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Dim 14 Oct - 13:27
L'immortelle

« -Molly »
« -Nan, sérieux ?! »
« -Mais t'es gouine en faite ?! »
Tous les adolescents éclatèrent de rire. L'un reversa sa bière et le torrent se déversa sur le sol devant la foule amusée. En rond comme des moines, sept filles et sept garçons jouaient à un jeu pervers qui s’aggravait et fur et à mesure que l'alcool replaçait leur sang. Cette soirée de la vérité était un bon moyen de créer des conflits, des couples ou bien de juste rajouter un peu de piment à une soirée qui arrivait à sa fin. Ils faisaient tourner une bouteille au milieu et la personne désignée devait répondre à une question ou faire ce qu'on lui demandait. Et à la magnifique énigme de « Qui aimerais-tu baiser ? », Cass' avait répondu. Sa victime voulu faire descendre les rougeurs sur ses joues avec du thé glacé, mais de la vodka s'infiltra dans sa boisson. Le soft, c'était interdit dans le cercle. Et ça devenait beaucoup trop intéressant pour sortir maintenant. Elle qui encaissait mal la boisson, elle dut résister plus efficacement que jamais.
Et au bout de trois ou quatre interminables minutes, la bouteille décida finalement de s'arrêter sur Molly. Une belle petite brune au regard fuyant. Derrière son œil bleu se tapissait un esprit timide et maladif qui avalait la plupart de ses phrases pour qu'elle ne puisse les dire. Elle avait deux belles tresses qui chutaient sur ses épaules pour ruisseler jusque sur sa petite poitrine. Elle avait un collier qui ceinturait son cou et qui représentait la hache d'un personnage aussi connu que narcissique. Elle portait une chemise aux teintes noires, légère et transparente pour retomber tel un voile sur son corset en cuir. Elle avait une petite jupe, un peu courte mais aidée par des bas avalant ses cuisses. Elle était très peu maquillée, voir pas du tout et son charme naturel était plus renversant lorsque ses rougeurs ressortaient au-dessus de ses lèvres abîmées. Sa peau était ce qu'elle semblait être, une étendue infini de lait à la douceur inconcevable, marquée par la moindre petite éraflure. Elle avait quelques coupures ici et là à cause de son travail en supermarché, mais rien qui entachait sa beauté. Une odeur de fraise la suivait, un arôme qui tranchait franchement tout comme son caractère : Soit les gens l'aimait comme le petit bonbon introverti qu'elle était, soit ils la rejetaient parce qu'elle ne se mêlait pas assez de leur vie.
« -Embrasse Cass' ! »
« -Q-Quoi ?! »
« -Tu peux quitter le cercle aussi. » Avait annoncé l'intéressée avec un petit sourire espiègle.

Molly n'avait pas eu une enfance facile et en avait gardé trace dans son comportement. Elle possédait un bouton berserk qui marchait parfaitement bien. Cass' le savait, d'où son intervention. Dire à cette demoiselle qu'elle n'était pas capable de quelque chose était le meilleur moyen de la forcer à le faire. Alors son visage d'ordinaire si doux se gonfla comme la mousse du lait quand il chauffait et sa moue vexée répondit à sa place. Elle tendit son mètre soixante jusqu'à sa délicieuse victime et plaqua ses lèvres contre les siennes. La cible de ce jeu put sentir mieux que quiconque les effluves de fraise qui la poursuivaient, à croire qu'un nuage rosé suivait ses mouvements. L'embrasser, c'était comme mordre dans de la barbe-à-papa, elle trouva dans ce contact un petit goût sucré qui éveilla dans ses yeux verts une intense envie. Un éclat explosa dans le fond de ses pupilles et il propagea dans son long corps une pulsion qu'elle ne sut contrôler. Ses mains d'araignée s'emparèrent de la petite timide, compressant ses épaules entre ses longs doigts déguisés de mitaines en cuir. Elles basculèrent en arrière sous les cris d'encouragement de leurs spectateurs et les gémissements étouffés de surprise de Molly. Elle se retrouva ligotée par ses longues jambes, elles qui portaient un survêtement noir aux rayures blanches. Dans cette position, son cœur manqua un battement, mais elle put tout de même remarquer une chaussette rose qui côtoyait une autre bleue. Elle ne fit pas attention au grand décolleté qui laissait une vue plongeante sur les seins ronds de son agresseuse ni de la petite cicatrice qui les séparait. Elle ne put rater les lunettes carrées qu'elle portait, mais elle ne pensa même pas aux boucles d'oreilles en forme de crâne. Elle pencha la tête en arrière pour se libérer du baiser, identifiant une arcade sourcilière droite coupée sur l'extrémité. Elle sentit même sa longue et voluptueuse mèche rousse qui tombait sur son œil gauche. Elle put comprendre que malgré sa taille de guêpe et ses membres fins, elle avait une force de géant. Elle n'aurait pas pu retrouver la liberté si Cass' n'avait pas voulu.
« -J'y crois pas ! Elles l'ont fait ! »
« -Cass', t'es une vraie allumeuse ! »
« -Ta gueule James et bois ton shot. » Rétorqua-t-elle en s'essuyant vulgairement les lèvres.
« -Comment ça ? » Se demanda alors Molly. « Vous avez parié ?! »
« -Et ton cœur en guimauve m'a fait gagner, ma chérie. » Répondit fourbement Cass'.

Elles échangèrent un regard, ça leur suffit pour comprendre le comportement de l'autre. Molly était une femme discrète et pleine de talents cachés qu'elle ne voulait pas montrer et Cassiopée était une vipère des plus vicieuses mais des plus attachantes.
Elle le sut le soir-même alors que le matelas des parents de James accueillait le corps soumis de Molly. Les rougeurs ancrés sur ses joues crépitaient comme des morceaux de viandes sur une poêle tant sa peau était brûlante, laissant un océan de transpiration se mêler à celle de sa compagne pour finir par s'étaler dans une farandole d'odeur de fraise et de tabac sur les draps. Les folies du corps, les quatre murs rapprochés et la chaleur étouffante de l'été rendaient leur expérience plus animée au point qu'elle ne savait plus si les doigts qu'elle avait laissé sur la joue de sa geôlière étaient noyés de sueur ou de bave. Cass' avait le visage profondément enfoncé dans le cou de sa victime et les baisers qu'elle y déposait enflammaient la peau blanche qu'elle s'amusait à faire rougir. On essayait de pervertir son attention par des caresses célestes, mais elle était concentrée sur la chaleur de sa compagne. Ses mains s'emparaient d'elle comme d'une douceur et elle déballait ce délicieux bonbon en aventurant ses longs doigts arachnides sous ses vêtements. Elle n'avait pas besoin de voir le corps nu d'une petite timide se tordre sous sa poigne, elle préférait lui laisser ses décorations et profiter des bruits pervers qu'elle faisait. Sa main serpenta sous sa jupe après avoir abîmé ses bas. Elle sentit son souffle court s'écraser sur son visage et son sourire en coin fut lourd de sens. Elle leva la tête pour la voir se tordre et pour entendre ses petits gémissements qui sonnaient comme une sainte mélodie à ses oreilles. Même dans la pénombre de la chambre, à peine éclairée par la lumière de la lune qui s'infiltrait pas la fenêtre ouverte, elle distinguait sa poitrine compressée par le corset en cuir. Les frissons qui l'envahissait quand Cassiopée la prenait à pleine paume n'aidaient pas à se sentir à l'aise avec le vêtement.
Sans prévenir, elle la retourna. Ce fut simple, comme faire sauter une crêpe et cet élan de virilité fit manquer un battement au cœur de Molly. Elle eut l’œil qui vrilla, ne sachant où se poser et n'osant pas assister à ça. Ses cuisses se serraient autour de ses sous-vêtements salis. Sous le voile transparent de sa chemise, entre les lacets décroisés de son corset, elle sentit une présence comme une caresse si fine et si délicate qu'elle aurait pu appartenir au vent. Dix doigts skiaient sur sa peau blanche comme neige, partant des montagnes de ses épaules pour s'écraser sur les plaines de ses fesses. Ils s'étaient emparés de sa jupe sans pour autant la jeter, l'ouvrant juste assez pour que les lèvres de sa geôlière puissent s'y infiltrer. Les baisers étaient gênants, forçaient son corps à se cambrer et ses lèvres à demander pénitence, incapable qu'elle était à s'y opposer physiquement. Plus que la gêne, les soupirs humides d'une langue envahissante propulsait la chaleur dans son cœur. Il battit plus vite encore, laissant ses poumons à bout de souffle. Sa gorge ne put contenir toutes les plaintes plaisantes qu'elle poussa. Incapable de se contenir plus longtemps, les draps plein de sueur furent imbibés d'une autre substance, ses doigts les déchirèrent en s'y accrochant et son cri résonna plus loin encore que les vertiges dont elle était prise.

Vertiges qui revinrent quelques jours après, alors qu'elle se tenait fermement à une poignée en acier à quelques kilomètres du sol. Elle était dans un avion, vêtue d'un parachute monstrueusement laid et d'un treillis trop grand. Ses amis étaient avec elles, plus ou moins sereins. Il n'y avait que James pour rire en terminant sa clope et Cass' pour taper du pied au rythme de la musique de ses écouteurs. Juste à côté de Molly, elle se moquait de la peur qui montait dans sa poitrine. Elle ne put plus retenir ses rires lorsque le sol s'ouvrit au-dessus d'un nuage et que la petite brune hurla de peur.
« -Alors ?! » Cria Cass' à cause du bruit de l'appareil. « On se pisse dessus ? T'étais quand même plus courageuse que ça chez James ! »
Elle n'était même pas en treillis tant elle était à l'aise, son parachute vulgairement attaché à son haut en cuir et son pantalon nike aux genoux déchirés. Le principal intéressé poussa une longue plainte frustrée, se levant du banc pour jeter son mégot dans le vide.
« -M'en parle pas ! » Hurla-t-il à son tour. « J'ai passé dix heures à faire partir l'odeur de chienne en chaleur de mes draps. »
« -P...P-Parle autrement... » Répondit Molly difficilement, s'étalant contre la parois de l'avion pour s'éloigner le plus du trou.
« -Force moi. »
Puis il sauta, dos au vide et les bras grand ouvert. Le groupe suivit sa chute, hurlant d'excitation ou de peur à chaque fois. Elle voyait une poignée d'adolescents se jeter dans le vide et n'osait pas les suivre. Elle ne voulait pas lâcher sa poignée, même quand Cass' posa sa main sur son épaule. Accroupie devant elle comme s'il n'y avait aucun risque de tomber, elle avait encore une fois ce grand sourire satisfait sur le visage. D'un mouvement caractéristique d'une squatteuse de gares routières, elle retira un de ses écouteurs pour le tendre à la petite sourie effrayée qui lui servait d’exutoire sexuel.
« -C'est du slave, ça va t'aider. »
« -C-C'est de la merde... »
« -Quoi ?! » Fit-elle, semblant d'être sourde à cette phrase.

Elle propulsa Molly hors de l'avion. Son minuscule poids était secoué par le vent. Elle hurlait de peur, serrant les poings jusqu'à se les faire saigner pour garder le peu de conscience qui lui restait bien accroché à sa caboche. Elle voyait difficilement quelques points noirs continuer de tomber, suivant dans sa chute les effluves rares du tabac froid de James. Elle voyait des champs s'étendre sur des kilomètres et des villes border leurs frontières. Elle traversa un nuage, perdue pendant quelques secondes en son sein. Passant au travers de ce petit étalage de forme blanche, elle put prendre une grande inspiration à l'intérieur de la brume qu'il formait autour d'elle. C'était un endroit en apesanteur, où elle pouvait apprécier chacun des parfums du monde avant d'être de nouveau jetée dans le bain froid de la réalité. Mais Cass' l'interpella de quelques mètres plus haut, la rejoignant dans ce monde suspendu plus vite qu'un aéronef.  Elle toucha d'abord ses talons pour se faire remarquer, puis ses fesses pour se faire détester et son dos pour se mettre à son niveau. Elle avait ce sourire, encore.
« -Ça te dérange si je t'embrasse ? »
« -Q-Q-Quoi ? P-Pourquoi ? »
« -Parce qu'on est en chute libre, bouffonne. »
Elle n'aurait rien fait si Molly n'avait rien dit. Ça se voyait, dans ses yeux perturbés par la chute résidaient un éclat de respect qui tranchait avec ses allures de Bad Girl. Une sorte de jeu morbide avec elle-même, laissant aux autres la responsabilité de ses propres envies. La parachutiste en herbe n'était pas au courant de cette stratégie vicelarde, alors elle ferma les yeux et offrit ses lèvres. Sauf qu'elle ne reçut jamais son baiser. Elle sentit le corps de Cassiopée s'approcher, mais jamais ses lèvres. Au contraire, elle touchait son corps juste pour mieux tirer son parachute. Elle fut happée par la force de l'air, obligée de regarder sa prétendante continuer de tomber alors qu'une bâche la retenait bien loin du sol.

« -Et... Elle est où Cass' ? »
« -Elle est déjà sur place. Jongler avec des haches, ça l'a fait mouiller. » Répondit Patrick de la place du mort.
La bière qu'il tenait dans la main gauche lui donnait un côté beauf, même s'il portait des lunettes de soleil très charmantes. James conduisait la BMW décapotable de ses parents, concentré sur la route on ne pouvait pas lui dire un mot sans qu'il ne s'énerve. À ses côtés, Patrick et sa petite taille pour un gars de son âge buvaient comme un trou adossés à la porte. Sur la banquette, Molly jouait tranquillement avec son portable, jetant de temps en temps un regard amusé à Clémentine qui gérait les stocks d'alcool. L'engin traversait les rues d'un village paumé en direction de Genève. Ils allaient voir un spectacle et le soleil resplendissant transformait les passagers en poissons fris. Clémentine avait une grande gueule et elle ne se gêna pas pour se plaindre pendant deux longues heures. Le plus éprouvant fut dans les bouchons à la frontière, ce fut si ennuyant qu'elle créa au sein même de leur expédition une guerre totale avec une voiture voisine. Guerre qui se finit sur un coup de poing de James sur la figure du routier qui avait mis un pied à terre. Ils eurent la chance de passer au péage juste après, sinon les filles auraient dû participer aussi.
« -Qu'est-ce qu'y croyait ce connard ?! On crève de chaud et il cherche le conflit ? » S'étonna alors la pipelette.
« -AAAAAAH ! » Gémit James du plus profond de son estomac, le front sur le volant. « Faites la taire où je la jette sur le bord de la route ! »
« -Clém' Clém', tu connais un peu Cassio ? » Demanda alors Molly, trouvant l'utile et l'agréable dans ce détournement d'attention.
« -Bah ouais, on traîne ensemble depuis qu'on est petite. »
« -C'est quoi son problème ? »
James éclata de rire, rapidement calmé par le poing de Patrick.
« -Elle est un peu borderline c'est vrai, mais Cass' est vraiment une bonne fille. » Commença le garçon en question avant de boire une gorgée de sa boisson.
La voiture passa au-dessus d'un pont et les reflets de l'eau vinrent se heurter à la carrosserie. Molly avait déposé son regard sur cette étendue calme et bleutée, attrapant mécaniquement la bouteille que Clémentine lui tendait.
« -Je la connais depuis trois jours et... Je ne sais pas comment m'y prendre avec elle. »
« -Tu réfléchis trop. » Rétorqua Clémentine en buvant sa boisson. « T'es trop timide, trop frêle et sans doute trop intelligente pour elle. »
« -J'ai l'impression... Que c'est des reproches. »
La voiture dut ralentir. La circulation était récalcitrante en entrant dans la ville. Il y avait des gens un peu partout sur la voie piétonne et les véhicules avançaient plus lentement que des escargots. Les conducteurs, compactés sous le soleil de plomb dans leurs petits cubes mobiles n'avaient pas la chance de sentir le vent passer dans leurs cheveux. Les jeunes pouvaient, profitant d'une automobile qui grondait doucement. Patrick se retourna, s'accrochant au siège comme un Vincent sans son pistolet. Il avait un visage bienveillant, aux traits sérieux, prenant cette discussion sans blague aucune.
« -Non, mais tu avoueras que ça contraste avec notre Cass'. » Dit-il calmement.
« -Ouais. Faut au moins bac +5 en fantasme chelou pour la satisfaire. » Rétorqua James de son volant.
Il prit une baffe sur le coin du crâne. Il donna un coup de volant par vengeance. La voiture manqua de quitter la voie, mais il se rangea vite. Molly eut tellement peur qu'elle avait enfoncé ses ongles dans le cuir du siège.
« -Fais gaffe bordel ! »
« -Fallait pas me taper. »
« -T'es un vrai gamin James. »
« -Ooh regarde, une voiture ! »
Il braqua sur la gauche puis très vite sur la droite. Ça fit tanguer l'engin et les personnes à l'intérieur. Ce geste leur arracha chacun une réaction, un cri, une insulte, mais qu'importait ces plaintes puisque le rire de James restait finalement seul gagnant de cette histoire.

« -Woaw, c'est facile en faite. »
« -T'as le coup de main gamine, tu pourrais être saltimbanque s'tu voulais. » Dit une voix avec un fort accent russe que Molly entendit.
Quand les jeunes passèrent les draps qui formaient l'entrée du chapiteau, ils purent surprendre Cass' de leur présence. Elle avait un jean lacéré qui laissait entrevoir des collants glissés en-dessous. Elle avait un débardeur blanc troué sur le côté, ses lèvres pinçaient une cigarette et la hache de Molly qu'elle avait au cou était une réplique minable des deux qu'elles faisaient voler au-dessus d'elle. Au côté d'un jongleur russe, elle apprenait à s'amuser avec les haches du professionnel. Celui-ci alluma sa clope alors qu'elle manqua une passe. La hache trancha le dos de sa main avant de rebondir jusqu'aux pieds de Molly. Elle ignora l'arme, se précipitant vers la folle qui venait de faire ça. Elle avait sorti le paquet de mouchoir qu'elle avait tout le temps dans son sac à dos et en pressait un maximum sur la blessure. Tout du moins jusqu'à ce qu'elle soit rejetée. Cassiopée ne voulait pas de soin, au contraire. Cet accident la faisait rire au point de déformer son visage avec son sourire. Il y avait du vrai bonheur dans ce moment de folie, un peu d'adrénaline et beaucoup d'excitation. Ses yeux fixant celui de Molly sans jamais le lâcher, elle passa sa langue sur sa plaie dans un mouvement qui sembla ralentir. Elle mordit dans la plaie, le regard fixe et le sourire aux  lèvres. Quand celles-ci se retirèrent de sa blessure, elles avaient étalé le sang sur toute sa main et des traces rouges parasitaient les coins de sa bouche. La petite brune ne savait comment réagir. Elle sauva son esprit d'abord, lâchant les prunelles vertes pour se fixer sur les trois autres au loin. Ils discutaient entre eux, seule Clémentine lançait des regards furtifs vers les deux autres filles. Mais aucun d'entre eux ne serait venu.
La rouquine rendit les haches au jongleur russe, le remerciant dans sa langue bien que sa prononciation fut approximative. Puis elles partirent. Le groupe resta pour le spectacle, évidemment. Il se déroula du début de la nuit jusqu'à minuit et les jeunes restèrent jusqu'au bout. Clémentine eut l'occasion de participer au show du magicien, ce qu'elle radota plusieurs jours après. Molly n'avait pas la tête à s'amuser. Tout ce à quoi elle pensait, c'était à cette blessure et au regard qui s'en était suivi. Ce n'était pas de la haine ou de la joie qui brillait dans ses yeux à ce moment là, c'était l'éclat des prédateurs quand ils voyaient une proie. Pendant la présentation, elle était à côté d'elle et elle ne pouvait s'empêcher de laisser ses yeux déborder sur sa main. Sur la blessure qui saignait encore mais qu'elle laissait faire. Quelques fois, pendant le show, elle passait sa langue dessus pour la nettoyer.

La chemise de Molly gisait enfin sur le sol. Elle, sa jupe et ses sous-vêtements s'étaient rejoints aux pieds de son grand lit double. Ses doigts étaient maintenant habitués à tirer la mèche rousse de sa prétendante. Ils se crispaient, grattait son cuir chevelu et tirait ses cheveux quand elle était trop entreprenante. Ses jambes étaient allongées sur son dos, ses cuisses se retenant à ses épaules. Cassiopée plongeait son visage entre ses jambes et la travaillait au corps d'une manière qu'elle avait choisi elle-même. Sa poitrine était pleine d'un sentiment incroyable, pulvérisant à chaque battement de cœur le peu de résistance qu'elle avait. Elle était délicieuse, laissant agir sa langue là où ses doigts avaient échoué quelques minutes plus tôt. Mais cette fois-ci, les sévices qu'elle lui faisait subir la faisait trembler d'excitation. La morsure du vent était agréable, se plantant dans une peau en ébullition alors que la fenêtre ouverte donnait sur des flocons acharnés tombant sur le balcon. Les petits délices de cette nature fraîche n'étaient rien à côté des prouesses de la rouquine. Elle sut trouver le passage idéal pour provoquer les cris qui réveilleront les parents. Elle sut quoi lécher pour la faire se tendre, n'ayant besoin que du bout de sa langue pour la faire s'accrocher à son dos. Et quand elle retombait sur le matelas dans un soupir de tempête, la pression sur sa poitrine s'évaporait et son corps se remettait dans de pervers sursauts. Cassiopée ne la laissait pourtant pas respirer et la retournait pour la coucher sur le ventre à chaque orgasme pour forger une nuit agitées sans pause pour son petit cœur.
Leurs ébats ne duraient jamais aussi longtemps, perturbés par le manque d'expérience de Molly. Mais ce soir-là, elle comptait faire plaisir à cette grande maîtresse du sexe en se réveillant comme elle s'était endormie : dans un tourbillon de passions impossibles à décrire. Elle la laissa baiser sa nuque au point d'y laisser les marques de ses dents, glisser sa langue le long de sa colonne vertébrale et se perdre encore plus bas dans un cri qu'elle ne retint plus. Elle sentit sa main chercher son nombril, l'agripper dans une délicate poigne et elle la força à se retourner elle-même. De nouveau sur le dos, elle la regarda se mettre à califourchon sur elle, arborant la chèvre phosphorescente de son tee-shirt d'une manière aguicheuse. Elle partait pour l'embrasser, tendant ses lèvres comme une grappe de raisin que ses petites dents n'arrivaient pas à mordre. Ce fut rapide. Quelques secondes avant le contact, une gerbe de sang sortit de la gorge de Cassiopée. Elle s'étala sur le visage de Molly. Elle hurla, eut un mouvement de défense et se redressa d'un coup.


Dernière édition par Admin le Dim 14 Oct - 13:33, édité 1 fois
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Dim 14 Oct - 13:28
Du sang, du sang du sang et encore du sang. C'était toujours comme ça depuis la disparition de Cassiopée. Molly était sous ses draps, le vent d'hiver soufflant à travers la fenêtre sans porter avec lui de flocons. Son corps avait laissé sa marque pleine de transpiration sur les draps médiocres d'un lit une place dans une chambre de bonne. Elle respirait, vite, manquant même quelques bouffées d'air pour avaler sa salive. Son visage était alourdi par de nouvelles marques. Des rides laissées là par le temps, le travail et la fatigue parsemaient maintenant sa jolie peau blanche. Celle-là fut rougie par un psoriasis du cou aux pieds. Son œil battait violemment, essayant d'ignorer les zones de flou qui l'envahissaient. Elle tremblait, mais cette fois-ci c'était la peur qui inspirait son corps à bouger. Elle se leva jusqu'au frigo, à quelques pas du lit, et l'ouvrit pour en sortir une bouteille à moitié vide de sirop d'ananas qu'elle but d'une traite sans faire attention à ce qui l'entourait, sans revisiter son appartement minable du regard. Elle jeta la bouteille dans un sac recyclable, inspirée par la lumière verte de son portable qui annonçait un nouveau message de Patrick, sa photo s'affichant dès le déverrouillage pour décrire un homme bien plus vieux que le passager de la BMW. Il s'excusait pour ce qu'il avait fait en début de semaine et proposait de payer sa bière du pardon, il promettait au passage de se plonger sérieusement dans l'organisation des obsèques sans oublier les points de suspensions à la fin du message pour se faire comprendre. Elle n'était inspirée que par un banal C'est pas grave, laissant l'homme et son imagination décider de la véracité de ces trois mots parce que son cœur était lui-même incapable de savoir la vérité.
Elle se traîna jusqu'à la salle de bain pour prendre sa douche, se brosser les dents et se préparer pour partir au travail en subissant le rythme bâtard des réveils compliqués qui faisait agiter les bras sans réel conviction et qui faisait traîner les pieds au point de manquer de tomber. Elle prit les clés de sa voiture et son sac à main après avoir vérifié ne rien avoir oublié, puis elle lança un regard au collier pendu à un crochet et qui laissait la hache qu'il portait léviter au milieu de l’entrebâillement de la porte. Elle chevaucha sa petite Clio jusqu'au centre commercial où elle enfila son gilet rouge et sa casquette avant de se mettre à la caisse, elle n'oublia pas bien sûr de vérifier le fond de caisse et les derniers invendus de la veille avant d'allumer sa borne. Les clients arrivèrent par paquet de cent sans prendre le temps de lui jeter un regard, sauf peut-être ceux assez polis pour dire bonjour mais incapable de la suivre dans une discussion dont elle avait pourtant tant besoin, tous préféraient prendre leurs affaires et retourner au plus vite à leurs routines ennuyantes. À la fin de la journée, elle refermait sa caisse et partait précipitamment, sans prendre le temps de dire au revoir à des collègues qu'elle n'appréciait pas pour ne pas être en retard chez le psychologue, lui qui continuait à lui donner des conseils qui ne marchaient pas. Assise dans son fauteuil cliché, elle était obligée d'écouter ses billes de verres s'entrechoquer indéfiniment tandis qu'il lui demandait d'offrir sa vie privée sur un plateau d'argent afin de la disséquer et de voir ce qui n'allait pas. Elle réagissait aveuglément, elle croyait sa mère et la société entière quand elles disaient qu'un docteur était le meilleur moyen de survivre à une telle perte, ne lui cachant pas un seul de ses secrets et ne lui épargnant pas une de ses parties de jambes en l'air. C'était comme si sa vie privée était morte.

Elle revenait ensuite chez elle, ou alors elle passait au supermarché acheter quelques trucs stupides, pas plus de cinquante euros, qu'elle ramenait chez elle et qui tenaient deux mois entiers, entamés et dévorés devant un ordinateur plein d’ecchymoses et de poussière dont elle ne voulait pas se débarrasser de toute façon. Du côté de ses amis, elle avait gardé contact avec sa bande habituelle mais la façon dont ils avaient évolué ne l'aidait pas à combattre ses démons qui s'étaient rapidement propagés sur ses compagnons de route et qui leur avaient choisi des destinés loin d'être enviables. James avait très mal vécu la disparition de la jeune fille, se noyant dans l'alcool et la drogue au point de se créer des ennemis à coup de dettes, si dangereux qu'il s'enferma volontairement dans un hôpital psychiatrique où il y coulait des jours sans queue ni tête. Clémentine avait changé de pays, espérant trouver là-bas une paix qui n'existait plus dans les rues de sa ville mais la peine et la solitude l'avaient suivie jusque là-bas pour la condamner à des plaisirs malsains d'auto-mutilation qui menaçaient sa santé. Patrick avait réussi à avaler la pilule et à reprendre une vie pleine de travail et de passion, s'adonnant cœur et âme à ses études de médecine dans lesquelles il s'était éloigné de toute vie social, sans doute la meilleure idée pour oublier les bons moments passés avec Cassiopée. Parmi tout ce bon monde, Molly n'arrivait plus à garder la tête hors de l'eau car leurs discussions, aussi joyeuses furent-elles, revenaient sans cesse au sujet tabou.

« -Parlez-moi d'elle. »
« -Vous savez docteur...Vous pensez sans doute qu'on dramatise. Perdre un proche, c'est dur mais ça arrive à tout le monde. Mais...Elle n'était pas comme tout le monde. C'était un ange qui avait eu la bonté de descendre vivre à nos côtés. Maintenant qu'elle est partie, j'ai l'impression que le monde s'est arrêté de tourner, mais que je suis la seule à l'avoir remarqué. »
« -Je vois. Et ces cauchemars, sont-ils toujours aussi violents ? »
« -I-Il y a toujours autant de sang qu'avant, ça ne change pas. Mais ces temps-ci... Ils-Ils commencent tous par des scènes érotiques. »
« -Si je me souviens bien, les cauchemars que vous vivez sont de vrais souvenirs, des moments que vous avez déjà vécu. Est-ce toujours le cas ? »
« -Oui. »
Le docteur écrivait au fur et à mesure de la discussion sur un petit bloc-note. Mais là, il s'était arrêté d'écrire et s'était levé pour atteindre la fenêtre qui donnait du quatrième étage sur le grand boulevard de la ville. Son bureau était juste à côté, croisant l'angle à la perpendiculaire et jetant le son de ses billes bruyantes tout autour d'eux. Il avait les mains dans le dos, jointes et se susurrait des mots qu'elle ne put entendre. Finalement, il reprit :
« -Veuillez excuser mon enthousiasme, mais ce sont les signes d'un rétablissement. Vous êtes sur la bonne voie. »
« -La bonne voie docteur ? Vous êtes malade. Avant ça allait, ce n'était que des souvenirs aléatoires. Mais là, on parle de moments intimes. C'est horriblement douloureux de les revoir, je vois mal en quoi c'est signe de rétablissement. »
Beaucoup d'adjectifs pouvaient caractériser la petite Molly, mais la colère et le bruit étaient des traits qu'elle n'avait généralement pas en elle. Sauf cette fois-ci où sa voix s'était enfin levée, tout autant que ses jambes, pour s'indigner face à ce fait stupide. Pourtant, même lorsqu'il vit sa patiente prendre ses affaires, le psychologue ne sembla pas être déboussolé. Il la laissa même faire, l'interpellant avant qu'elle n'ait pu fermer la porte par un :
« -N'oubliez pas de prendre vos médicaments. »
Elle s'arrêta dans sa fuite, se retournant l'air pulvérisée par la haine. C'était comme s'il venait de louer Satan au milieu d'une église remplie de fidèles.
« -C'est pour votre bien. »

Le sommeil était devenu un monstre, une gueule ouverte dans laquelle elle devait se jeter chaque soir. Elle en était incapable, sachant pertinemment ce qu'elle trouverait dans ces intestins cauchemardesque. À chaque fois qu'elle en ressortait, elle perdait un morceau d'elle. De la chair, du sang, des organes, ce monstre tentaculaire aux milles rangées de dents avalait tout ce qu'elle pouvait lui offrir. Maintenant, il ne restait plus grand chose de sa carcasse encore en vie. Elle était debout, devant son lit, à fixer les draps souillés de la veille sans détermination aucune. Elle tremblait de peur à l'idée de s'allonger ici. Elle fit les cent pas une fois pour arriver à la conclusion qu'elle ne pouvait pas rester éveiller. Elle les fit une seconde fois pour abandonner l'idée d'appeler Patrick et de lui demander de parler jusqu'à ce qu'elle s'endorme. La troisième fut la bonne et elle s'abandonna à ses cauchemars puisque ses jambes n'étaient plus capables de la porter. C'était la même routine chaque jour, si identique qu'on pouvait en devenir fou. Cauchemar, levé, boulot, docteur, retour à la maison. C'était une boucle qu'elle appelait le CLBDR.
« -CLBDR » se disait-elle alors qu'elle se retrouvait en voiture. James tenait le volant de sa voiture, Patrick buvait sa bière devant et Clémentine protégeait les siennes à côté. Ils se chamaillaient encore, mécaniquement, comme des robots insensibles qui rétorquaient des phrases pré-enregistrées. Ce n'était pas le plus perturbant. Ses pieds pataugeaient dans une marre de sang qui avait noyé la banquette arrière de sa couleur rouge. Le liquide était si opaque qu'elle n'arrivait pas à voir ses chaussures. Elle secouait doucement la tête, se rendant compte de ce qui se passait. Les amis qui l'entouraient saignaient et les nombreux ruisseaux qui s'écoulaient de tous les pores de leur peau se rejoignaient dans la voiture. Le véhicule se déplaçait toujours, elle ne pouvait pas s'enfuir. Elle ferma les yeux, se répétant les lettres précédemment dites frénétiquement comme si elle lançait un sortilège. Depuis quelques temps, le CLBDR lui servait à contrôler ses cauchemars.
Lorsqu'elle lâcha la poigne de cheveux qu'elle se tirait, elle n'était pas réveillée. Elle était dans une rue de Genève. Elle était comme dans ses souvenirs, longues et interminables remplie de gens. Il y avait un marché qui la rendait incapable de voir à trois centimètres devant elle. Elle regarda derrière elle. La voiture était arrêtée et les personnes à l'intérieur continuaient de parler mécaniquement. Ils étaient assis, tranquillement en train de se vider de leur sang. La couleur envahissait d'ailleurs la teinte blanche de la voiture. Dès qu'ils bougèrent, elle se mit en route. Elle traversa la foule, pressée par les monstres qui la suivaient. Ils gagnaient du terrain facilement. Les autres personnes s'écartaient à leur passage alors qu'elle était obligée de les repousser. Elle nageait dans ce bain de foule, ralentie à chaque pas par un vieux ou un bébé qui pleurait. Le bruit ambiant couvrait la course-poursuite. Si elle ne se retournait pas, elle les perdait. Elle se débattait dans un rêve où courir ne servait à rien. James fut le premier à l'atteindre. Il posa sa main sur son épaule. Elle le repoussa. Son vomi sanglant ne la toucha pas plus. Clémentine derrière lui eut plus de chance. Elle cracha une gerbe rouge et visqueuse du plus profond de sa gorge. Les gens autour d'eux ne réagissaient pas. Même quand Molly frappa Clémentine. Patrick était plus loin, la bière dans sa main pendant sans vie le long de ses bras. Elle se tenait en garde, lui faisant signe du doigt, lui répétant de ne pas approcher. Il n'écoutait pas. Il avança et personne ne put l'arrêter. Il attrapa Molly par les épaules malgré ses tentatives de défense. Le sang qu'il cracha s'étala sur son visage. Comme elle hurlait, la moitié s'écrasa au fond de sa gorge. Il la lâcha. Elle s'écrasa sur les genoux. Et quand elle baissa la tête pour tousser, elle la redressait vivement dans l'autre monde, harcelée par de longues gouttes de sueurs et par les draps de nouveau noyés dans lesquels elle baignait. Elle ne pouvait pas rester dans cette chambre, dans la gueule du monstre alors elle se précipita dans sa salle de bain pour continuer de tousser là-bas. Elle ouvrit le robinet et remplit ses mains d'eau pour se la jeter au visage. Elle vit alors dans le reflet du miroir quelqu'un qu'elle n'aurait jamais pensé être là.

« -Je rêve encore c'est ça ? Si oui, c'est vraiment cruel. » Dit-elle enfin dans un soupir, s'étant retourner pour faire face à cette personne.
Difficilement, sa main tremblante glissa jusqu'au tiroir de la commode pour en sortir une boite de médicament. Avec des efforts surnaturels, elle sortit une pipette et la fiole qu'elle contenait. Elle prépara la mixture sans jamais lâcher la demoiselle du regard. Celle-ci la laissait faire, son sourire en coin sur le visage et les sourcils courbés prenant en pitié sa camarade. Elle ouvrit ses délicieuses lèvres en voyant la mixture pendre au-dessus de la langue de Molly.
« -Depuis combien de temps tu ne l'as pas pris ? Tu me vois maintenant. Est-ce que ce n'est pas mieux comme ça ? »
Rien n'arrêta Molly. Elle prit son remède et fut secouée par une bouffée d'air chargée d'un goût de pénicilline. Le mélange était si fort et si immonde qu'elle eut de violents spasmes le temps de le digérer. Le fait fut qu'une fois avalé, il n'y avait plus rien dans la salle de bain. Rien d'autre qu'une femme dans la fleur de l'âge perturbée par son dernier cauchemar.

« -Vous dites que vous voyez Cassiopée ? »
« -Oui. Pas régulièrement, comme si j'allais sur sa tombe. Elle...Elle m'apparaît dans ma salle de bain en fantôme. Je prends mon médicament et elle disparaît, j'y comprends rien. Je...Docteur, j'ai l'impression de devenir folle. »
« -Les hallucinations ne sont pas un effet secondaire de votre médicament. Cela ne veut cependant pas dire que vous devenez folle. Je ne vous dirais pas que c'est une chose positive, mais c'est le signe d'un changement. Un nouveau symptôme si vous voulez, et plus vous en avez plus nous avons une chance de trouver votre maladie. Vous êtes consciente d'en avoir une, est-ce là le comportement d'une folle selon vous ? »
« -Non docteur. Alors...Alors quand est-ce que ça va s'arrêter ? Je fais tout ce que vous me dites. Je prends mon médicament, je travaille le plus possible pour oublier Cass', j'ai même accepté de venir à vos séances. »
« -Soyez patiente et ne baissez pas les bras. »
Ces conseils, ils étaient peut-être avisés mais de son côté il était difficile de les croire. Elle voyait le temps passer, l'année avait coulé si vite dans le sablier et rien n'avait changé. Ses démons ne voulaient pas partir et le médicament en question n'aidait que sa mémoire à écraser les brides de ce qui restait de Cassiopée. Elle n'en parlait pas aux autres parce qu'eux aussi avaient leurs problèmes, elle n'en parlait pas à ses collègues parce qu'ils l'auraient prise pour une folle. Elle avait fait confiance à son docteur et elle voulait continuer, mais rien ne lui en donnait l'envie. Les prix devenaient de plus en plus gros et sa charge de travail continuait d'augmenter sans pour autant emporter son salaire dans son envol. Son teint maladif, son manque de sommeil et son comportement étrange faisaient fuir les responsables des établissements qu'elle contactait. Elle avait même essayé de voir une voyante qui l'avait refusée à cause de son visage creusé. Elle était toute seule.

Elle n'était pas toute seule, assise dans l'avion alors qu'il était secoué par le vent. Elle se rappelait de ce moment, prête à sauter dans le vide. La porte n'allait pas tarder à s'ouvrir, le panneau au-dessus rayonnant de rouge était d'ailleurs la seule lumière qui lui permettait de se retrouver. Il n'y avait ni James, ni Clémentine, ni Patrick ni Cassiopée, il y avait une simple silhouette au fond de l'engin. C'était l'un des quatre, mais impossible de distinguer son visage de sa position. Elle n'avait pas le courage pour se lever et encore moins pour parler, elle restait assise et serrait violemment sa ceinture en laissant sa transpiration déteindre son tee-shirt. La lumière s'éteignit alors et un bruit sourd fit trembler le véhicule. Ça ressemblait à une corne de brume ou à un klaxon de trente-six tonnes. Ça résonna jusque dans son cœur, bouleversant son corps qui avait du mal à tenir. Le noir complet ne dura que six secondes. Elle put les compter tant elle était sous pression. Quand la lumière rouge revint, la silhouette n'avait pas bougé. Molly déglutit et la salive qui coula dans sa gorge avait un goût de fer. Sa respiration était saccadée par les battements bâtards de son cœur. Elle serra les doigts et répéta à voix basses les quelques lettres qui devaient la sauver.
La lumière vacilla de nouveau et le bruit revint faire trembler son petit corps. Tout se ralluma six secondes après, mais la silhouette s'était déplacée cette fois. Elle était debout, face à elle mais elle était toujours aussi loin. Molly avait décroisé les doigts, elle fixait la menace tout en essayant de reprendre le contrôle d'elle-même. L'opération recommença, plongeant l'avion dans de profonds ténèbres. Cette fois, Molly compta à voix hautes les secondes. Et quand elle eut fini, la lumière revint inlassablement. Alors elle sonda la pièce du regard. Le monstre s'était approché et elle pouvait maintenant voir un liquide tomber de son visage jusqu'au sol. Elle vit aussi la porte et le poussoir d'urgence censé la décrocher de l'appareil. Elle n'eut pas le temps d'en voir plus, elle traversa de nouveau les six secondes de battement entre le jour et la nuit artificielle du véhicule. Cette fois, la menace était tout près. Son grand corps et sa fine taille ne décrivait qu'une seule personne à ses yeux. Alors elle se leva difficilement, ravalant sa salive. Le goût de fer était plus prononcé et la texture de sa salive était différente. Elle avait l'impression d'avaler un glaire amer. Elle bégaya, sortant avec la plus grande difficulté le prénom de l'apparition de ses lèvres closes par la peur. Aucune réaction, juste un puits sans fond d'obscurité. Elle fit un pas, voir deux, pour se rapprocher de la porte, mais elle heurta quelque chose. La lumière revint et la première chose qu'elle sentit fut la goutte de sang qui s'éclata sur sa clavicule.
Cassiopée était penchée de sa grande taille au-dessus de Molly. Ses yeux, son nez, sa bouche et ses oreilles régurgitaient le sang qui coulait dans ses veines et tous ces ruisseaux se rejoignaient au menton pour tomber comme une cascade assécher sur le cou tendu de la plus petite. Elle avait les lèvres entrouvertes et ses dents pointues menaçaient la chair fraîche et blanche de son amie. Elle ne bougeait pas et les fenêtres de son âme étaient cachées par sa grande mèche rousse. De toute façon, tout était rouge à cause de la lumière. La couleur n'était cependant pas ce qui effrayait le plus la proie de ce cauchemar. C'était bien les litres de sang qui dégoulinaient de son amante.
La nuit tomba. Elle sentit des crocs acérer perforer sa jugulaire. Elle hurla de douleur, un cri qui perfora le voile de ténèbres pour venir briser les fondations du rêve. Mais elle ne se réveillait pas. Elle se savait assise dans son lit à hurler seule dans sa pièce, mais elle restait tout de même debout dans l'avion à sentir la langue perfide de sa compagne malmener la veine de son cou. Elle paniqua, le souffle coupé par la pression et le cœur pétrifié de terreur. Elle posa ses mains sur son agresseur et tenta de la repousser sans succès. Les larmes lui vinrent et l'oxygène lui manqua. Ses ongles avaient beau déchirer son ennemi, elle ne lâchait rien et la lumière ne voulait plus revenir. Ses mouvements perdirent rapidement de leur sens, devenant des gestes alarmés cherchant à sauver sa vie avant tout.

Puis la lumière revint. Puis le rouge revint. Puis les crocs refermés de Cassiopée tendirent le morceau de viande qu'elle venait de retirer. Elle assista impuissante à la mastication de sa jugulaire tandis que ses pieds ne voulaient plus la porter. Le sang continuait de couler, encore et encore, pour créer une marre qui cette fois-ci se trouvait à ses pieds.
Elle se précipita dans sa salle de bain, connaissant déjà le rituel qui l'amenait là. Il n'y avait pas une femme qui l'attendait dans le reflet du miroir, juste les quelques gouttes immondes de son médicament qu'elle déposa sur sa langue à contrecœur. Le goût était toujours aussi ignoble, horrible, au point de la faire se retourner plusieurs fois dans ses spasmes. Elle fit face au miroir, à nouveau, seule devant son reflet. Elle s'attendait à ce qu'il s'anime et qu'il tente de l'étrangler. Mais non, il n'en fit rien. Le remède fit effet, mais il était trop tard pour se lever maintenant. Les cernes creusaient ses pauvres yeux et elle fit attention à elle pour la première fois depuis un an. Elle remarqua sa peau blafarde et son air fatigué. Elle comprit à quel point elle contrastait avec la gothique tout en charme de l'époque.
« -Comment est-elle morte ? »
« -Docteur ?! Je ne suis pas sûre que ça puisse m'aider d'en parler. »
« -Au contraire. Vous dites qu'elle fut la menace de votre dernier rêve. Peut-être qu'en éliminant la culpabilité qui vous ronge, elle cessera de vous harceler. »
« -Quelle culpabilité ? C'était un accident. Un stupide accident causé par son père. C'était un soir d'orage et ils s'étaient engueulés. Elle était partie sur un coup de tête, laissant paternel seul avec ses remords. Il pleuvait des cordes et elle était...Presque pas habillée. Elle avait essayé de m'appeler, mais j'étais déjà couchée. Je bossais le lendemain vous comprenez. Ça ne l'avait jamais dérangée de me réveiller au milieu de la nuit, alors je suppose qu'elle a essayé de traverser la petite forêt qui séparait nos maisons. Il faisait sombre et elle avait confiance en la route qu'elle prenait. Pourquoi douter ? Elle la prenait régulièrement...Mais cette fois elle a glissé dans la boue. Elle s'est écrasée dans une flaque d'eau, la tête fracassée par le rocher qui s'y cachait.»

C'était ce que son père avait dis à la police, c'était ce que les journaux avaient raconté ce jour-là et ce fut la version que tout le monde accepta. L'enquête avait abouti sur un accident parce que s'en était un. Il n'y avait pas d'autres traces, pas d'empreintes ni d'ADN autre que celui de Cassiopée sur la scène du crime. C'était la pure vérité. On en avait parlé au supermarché, dans des messes basses qu'on faisait taire dès que Molly approchait. Mais elle n'était pas dupe, elle savait que des affaires comme ça ce n'était pas courant dans le quartier. Tout le monde avait son mot à dire, même ses propres parents.
Le soir, elle comprit pourquoi. Assise sur une table qu'elle ne connaissait pas, éclairée par la lumière d'un vieux lustre plus jaune qu'une flamme, elle faisait face à un père qui n'était pas le sien et qui criait comme s'il venait d'apprendre qu'elle avait braqué une banque. Il avait les larmes aux yeux mais restait stoïque, agitant sa main vengeresse dans tous les sens pour la menacer. Le plat cuisiné était froid maintenant et sa vision périphérique l'informa de la cigarette qu'elle avait entre les doigts. La dispute dégénéra et sa main vint finalement frapper le visage de Molly. Ce n'était pas vraiment sa peau, elle n'aurait pas pu tenir debout après un tel choc. Mais le personnage qu'elle contrôlait, si. Alors elle partit en courant, ne prenant même pas la peine de se vêtir d'un manteau. Elle sortit son téléphone, trouva la photo d'une jeune brune qui cachait son visage et appuya dessus pour l'appeler. Elle colla son engin à son oreille et attendit la fin des bip pour tomber sur son répondeur. Elle avait une voix timide qu'on entendait à peine de l'autre côté du fil. Alors elle laissa un message, sa voix tremblante retenue par toute sa fierté et sa force. Les gouttes qui tombaient étaient grasses et ses cheveux collaient déjà à sa peau. Elle ne se priva pas pour prendre une bouffée de sa cigarette encore allumée. Elle marchait, mais se déplaçait vite comme pressée par quelque chose. Des bruits parsemaient la forêt mais ça ne l'inquiétait pas. Elle préférait continuer d'avancer, slalomer entre les arbres et les mauvaises herbes en piétinant les brindilles qui se soulevaient sur sa route. Une forme humaine se détacha du fond, juste une ombre qu'elle ne pouvait reconnaître. Et tandis qu'elle découvrait cette partie de l'histoire, son corps réagit tout seul. Il termina sa clope, la jeta par terre avant de la piétiner et s'avança en souriant.
« -Hey ! » Dit-elle d'une voix qui n'était pas la sienne. « Qu'est-ce que tu fais là ? Tu vas choper froid. »
L'ombre se retourna. Elle haussa les épaules, lui répondant quelque chose que Molly ne put entendre. Cependant, elle ria tout de même à cette blague muette. En s'approchant, elle put visualiser qui lui faisait face. C'était elle-même, plus jeune et plus belle qu'aujourd'hui. Une petite brune à l’œil bleu. Son petit sourire était le même qu'elle faisait lorsqu'elle voyait Cassiopée à l'époque. Ses cheveux étaient écrasés par la pluie et son maquillage coulait sur son visage. Elle ne put s'empêcher de tendre la main et de la passer sur sa joue, balayant du pouce le long ruisseau noir qui infectait sa joue.
« -Cass', je suis perdue. » Dit-elle d'une petite voix parasitée par une toux grasse.
« -Je vois ça. Je connais le chemin comme ma poche, je vais te raccompagner. »
Alors la jeune perdue se jeta dans ses bras. Elle tremblait de froid et d'aussi près, elle pouvait voir ses lèvres bleus faire claquer ses dents. Elle était fragile, alors Molly souleva la projection d'elle pour la coucher dans ses bras. Une vraie princesse sauvée de l'orage. Elle se protégeait de la pluie comme elle pouvait, lovée contre son nouveau corps. Ses doigts fébriles se tenaient à la hache qui ornait le cou de la rêveuse. Plusieurs éclairs frappèrent alors que les deux filles traversaient la forêt. Un tremblement violent parcourra le corps de la petite qu'elle tenait. Elle s'arrêta alors, inquiète, devant une flaque d'eau que la pluie faisait grossir.
« -Ça va ? »
« -F-Faut qu'on rentre, je... »
Elle toussa. Longtemps, et de manière inégale jusqu'à ce que ses cordes vocales se décrochent de sa gorge. Du sang commençait à être propulsé de ses lèvres et à s'écraser sur son bras nu. Molly se baissa pour poser sa projection au sol. Elle prit le temps de défaire son soutien-gorge pour le passer sur les lèvres de la malade comme si c'était un mouchoir. Alors son reflet posa sa main sur son sein nu. Mais pas pour le caresser, seulement pour l'empoigner si fort que même le corps de Cassiopée frissonna de douleur. Elle grogna même, laissant cependant le petite princesse faire ce qui l'intéressait.

« -Molly. » Fut-elle forcée de dire. « C'est pas vraiment l'endroit. »
« -On m'a dit...Q-Qu'il fallait un bac+5 en désir chelou pour te plaire. »
« -Ouais, mais je suis pas d'humeur. »
La vraie Molly ne contrôlait pas ce qu'elle disait, encore moins ce qu'elle faisait. Enfermée dans le corps de la personne qu'elle aimait, elle agissait sous la contrainte de son libre-arbitre. La CLBDR était inefficace ici. Elle n'arrivait même pas à y penser, contrôlée par la colère que ressentait Cassiopée à ce moment là. Elle vit son propre corps frigorifié se lever pour lui faire dos. Elle semblait pleurer, elle semblait crier, mais rien ne lui parvenait. Elle avait dans son cœur comme un semblant de culpabilité et elle sentait au fond de ses tripes qu'une histoire de sacrifice sortait du lot de cette histoire.
Elle ne put réfléchir plus longtemps. On la frappa d'un rocher. Sa tête heurta la flaque d'eau. Le liquide croupie, marron, cachait le sang qui s'exfiltrait de la blessure. Mais le visage à moitié noyé, elle pouvait voir le liquide s'écouler. Elle était prise de spasmes, des spasmes inhumains que son agresseuse ignora. Elle plaça juste la pierre sous elle. Incapable de bouger, le cœur arrêté par la mort, elle pouvait comprendre ce qui se passait rien que par les sensations. On la bougeait, enfonçant son visage dans l'eau. On caressait son ventre nu alors que son dernier souffle était parti depuis longtemps. On osa même...
Molly se réveilla en sursaut, connaissant déjà la chanson qu'elle devait jouer. Elle ignora l'humidité de sa couche pour se précipiter dans sa salle de bain. Elle imaginait le goût de son remède avant même de l'avoir pris. Ce ne fut pas si simple. Cassiopée était dans le reflet, de nouveau, et son grand corps intacte avait perdu de son sourire.
« -Je t'en veux pas. »
Elle ne prit même pas la peine de lui répondre. Elle ne voulait pas la regarder non plus. Elle se précipita vers son médicament et prépara la mixture. Elle s'arrêta cependant avant de la lâcher sur sa langue. Tremblante, elle se retourna. Elle fit face à la morte, s'accrochant au lavabo d'une main peu assurée.
« -Je ne voulais même pas te faire voir ça. » Reprit-elle en plongeant son regard dans son œil pétrifié.
Pour la première fois lors de ses apparitions, elle fit un mouvement. Elle s'approcha enfin, tendant ses bras vers la pipette dans un geste bienveillant. Elle voulait dire quelque chose, mais sa phrase resta bloquée dans sa gorge lorsque Molly eut un mouvement de recule. Elle protégeait son mélange de son épaule comme si c'était un enfant qu'un fantôme voulait kidnapper. Elle avait peur, mais c'était le peine qui prit le pas cette fois-ci au point de faire perler à ses yeux quelques larmes de mélancolie.
« -J'aimerais tellement te ramener. »
« -Tu peux. Tu le sais. Il n'y a qu'une personne qui t'en empêche. »
Elle secoua la tête. Elle ne voulait pas y croire. Elle leva même la tête pour être sûre de prendre le médicament correctement. Elle espérait que cette fois, ça serait la dernière. Mais elle n'arrivait pas à appuyer sur l'engin. Cassiopée était si proche, elle pouvait sentir l'odeur de cigarette qui lui collait à la peau et ses yeux charmaient chacun de ses mouvements. Elle osait à peine respirer, et quand la main froide de l'apparition osa toucher sa peau fatiguée, Molly accepta de baisser ses armes. Elle déposa tout sur le lavabo et se retourna. Elle fixait le robinet, perturbée par ce qui se passait alors que des bras fantomatiques l'enveloppaient calmement. Cassiopée souffla dans le cou de sa copine, logeant même son visage à l'intérieur pour la garder contre elle. Elle se nourrissait de sa chaleur, caressant ses cheveux crépitant de sécheresse. Même morte, elle se souvenait de sensations plus douces.

« -Cass'...Tu n'es pas réelle. » Soupira Molly en se tendant contre elle.
« -Comment tu expliques ça alors ? Tu m'imagines en te masturbant ? » Ricana-t-elle, lovée contre sa clavicule.
Elle se disait que c'était sans doute le cas, se laissant happer par les mains baladeuses de son hallucination. Elle se laissa faire, ne croisant même pas les jambes en sentant ses doigts se mettre au travail. Elle n'avait rien perdu de son talent pour la chose, n'hésitant pas une seconde comme si elle connaissait à l'avance ce que désirait Molly. Son souffle perdit le sens des choses et se précipita dans une course frénétique avec les battements de son cœur qui menaçait déjà de rompre. Elle essayait de pousser de longs soupirs pour reprendre sa respiration, mais c'était peine perdue. Cassiopée savait où masser, où caresser et où pincer pour faire vibrer sa compagne. Malheureusement pour elle, celle-ci n'était pas d'humeur à aller au bout de la nuit avec elle. Dès que l'apparition tenta de la soulever pour l'asseoir sur le lavabo, elle se débattit et sortit de l'étreinte amoureuse avec la désagréable impression d'être sale et impure.
« -Arrêtes ça ! » S'écria-t-elle alors en prenant ses cheveux dans ses mains. Elle ne savait plus où donner de la tête et son œil ne comprenait pas les ordres de son cerveau. Dans un geste paniqué, elle empoigna son rasoir et menaça Cassiopée avec. Celle-ci eut un mouvement comique, presque amusée par sa posture de guerrière du dimanche. Elle vint à elle sans craindre le coup qu'elle pouvait lui porter. Elle tira la langue, la passant sur la lame pour y laisser une épaisse marque de sang. Cette même langue vint se coller au-dessus de la poitrine de la jeune Molly. Elle y dessina un cercles aux contours aléatoires. La victime était pétrifiée par cette vision d'horreur, si bien qu'elle glissa le long de la porte.

Les pulsions que Cassiopée propageait dans son corps à chaque caresses étaient restées trop longtemps la torture psychologique des cauchemars qu'elle faisait. Car plus que sa parole, plus que sa présence, plus que ses gestes, c'était sa façon de la toucher qui lui manquait le plus. Elle avait la peau en feu et pas un sceau d'eau n'était capable de l'éteindre. Alors elle ferma la main et prit rendez-vous avez son docteur. Elle passa toute la journée chez elle à faire les cents pas devant Cassiopée, lui lançant parfois des regards, parfois des questions qu'elle s'empressait de répondre avec le même air satisfait qu'elle avait toujours. C'était comme la retrouver vraiment, ça faisait un bien fou et ça comblait le vide en elle. En attendant les rayons du soleil, elle passa sa nuit à se recoiffer, à se laver le visage, à essayer de redonner à sa peau l'éclat de ses vingt ans.
Puis elle partit pour son rendez-vous. Cassiopée ne voulait plus partir, elle restait à ses côtés sans jamais disparaître. Personne d'autre ne la voyait et Molly se forçait à ne pas lui répondre lorsqu'elle lui disait de petites phrases de drague dont elle avait le secret. Si la situation s'y prêtait, elle se serait même mise à rougir. Mais elle ne s'y prêtait pas, elle lui donnait même l'envie de vomir alors que sa main se refermait fermement sur l'opinel qu'elle cachait dans sa poche. Elle ouvrit les portes du bureau d'un seul mouvement leste. Le docteur était debout devant sa fenêtre, un verre d'eau dans les mains et le regard vide. Il se retourna, arborant un sourire satisfait en voyant sa patiente pénétrer dans son antre. Il était heureux qu'elle ait pris l'initiative de venir le voir. Il lui proposa de s'asseoir, mais sa seule réponse fut le bruit du verrou de sa propre pièce.
« -J'ai à vous parler docteur. »
Celui-ci n'était plus si calme qu'au début, mais il gardait un certain contrôle. Il replaça ses lunettes, le bruit mécanique des billes en métal qui s'entrechoquaient rythmant presque leurs rythmes cardiaques perturbés.
« -Je vous écoute. »
« -Cass' est ici. »
« -Ici ? Vous voulez dire, avec nous ? Elle se tient à vos côtés ? »
« -Ouais. Elle...Elle me masse les épaules. Écoutez, ça peut vous paraître fou mais je peux la faire revenir. »
« -Molly, asseyez-vous s'il vous plaît. On peut régler ça, mais il faut que vous me fassiez confiance. »
« -J'en ai marre de vous faire confiance. Vous dites seulement ce qui m'arrange, me répéter que je vais mieux ne veut pas dire que c'est le cas. Cass' me comprend, elle. »
La voyant rester debout, ce fut lui qui s'assit. Il tira doucement le tiroir de son bureau pour en sortir une cigarette. Il demanda la permission à la jeune femme avant de l'allumer, voyant du coin de l’œil le couteau qu'elle venait de sortir. Cassiopée était toujours dans l'angle de vue de Molly, battant sa peau tendue de ses doigts allongés comme si elle n'était qu'un morceau de patte à pain. Elle ne déposait pas son regard sur sa compagne, mais sur son adversaire et le poison qu'il tira d'une grande bouffée.
« -Vous comprendre, j'en doute pas. Mais avez-vous besoin de ça ? »
« -Vous vous foutez de moi docteur ! »
« -Cassiopée vous comprend, mais elle ne vous aide pas à aller mieux. »
Le bruit ne s'arrêtait pas. Il résonnait au plus profond d'elle, bouleversant le peu de chose qu'elle savait encore réel. Elle frappa de sa lame contre le petit autel et laissa les billes rouler sur le sol. Son geste paniqué, incontrôlé, fit vibrer le docteur et rigoler Cassiopée.
« -Vous dites...Pouvoir la ramener ? » Tenta-t-il alors, se méfiant de la machine sans conscience qu'était devenue Molly. « C'est elle qui vous l'a demandé ? »
« -Non. Elle m'a juste dis comment faire. »
« -Est-ce bien raisonnable de ramener les morts à la vie alors ? »
Il jouait le jeu, tout du moins jusqu'à ce que Molly comprenne qu'il gagnait du temps. Une sirène de police résonna depuis la route dehors. Et malgré les supplications du docteur, elle se jeta sur lui la lame en avant. Il la para, usant de sa force supérieure pour la maîtriser. Elle regretta alors s'être demandée si c'était intelligent. Elle aurait dû suivre le plan de sa copine, elle aurait dû le tuer sans chercher à réfléchir. Cassiopée assista impuissante au combat stupide entre une folle et frêle jeune femme et un docteur tout aussi faiblard. Mais qu'importe ce qu'elle tentait, il avait l'avantage et les mots clichés qu'il prononçait pour la calmer ne faisait que la perturber encore plus. La projection vit sa compagne s'écraser sur le sol sans jamais appeler à l'aide. Elle se baissa alors et chuchota à l'oreille de Molly ces quelques mots :
« -Tu ne vas pas me donner raison hein ? » Sa voix était lourde d'inquiétude, comme si elle parlait à un corps sans vie qu'elle ne voulait pas abandonner. « Tu avais toujours raison, ça peut pas changer maintenant hein ? »
Un océan de souvenir la submergea au premier coup de couteau. C'étaient des soirées, des moments de vengeances entre les deux femmes. Le docteur tituba vaguement en arrière. Le second coup fit remonter les baisers timides, les gestes de bonnes familles comme quand elles se tenaient la main dans les rues. Sa victime tomba, lui permettant de se mettre en califourchon sur elle. Elle frappa encore et encore pour revoir toutes ces scènes. Elles remontaient comme des relents de bonheur au milieu de cet enfer. Les soirées jeux-vidéos, les sorties en voiture, le camping, la piscine municipale, les musées qui embêtaient Cassiopée, les combats de rues que fuyaient Molly, les baisers fougueux, les jalousies provoquées, les amis d'un soir et les haines passagères.
James et Patrick en train de faire un bras-de-fer pour savoir qui auraient la chance de porter Molly jusqu'à la salle de classe de Cassiopée. Clémentine et la grande rousse qui mangeaient la même barbe-à-papa alors que Molly était retenue par les deux hommes. La longue nuit devant Inception où les deux filles s'étaient battues pour noter le film. Le moment gênant où elles firent l'amour même si le corps de Molly n'était pas dans la bonne période. Les soupirs harcelés d'une actrice malmenées devant les trois yeux perturbés des filles. L'alcool qui coulait à flot dans un vase ou une marmite et qu'elles essayaient d'écouler avant l'arrivée des parents. Le dernier baiser que Cassiopée offrit à Molly, toutes les deux protégées de la pluie par le toit d'un arrêt de bus.
La projection posa sa main sur l'épaule de Molly qu'au but du vingt-cinquième coup. La porte était déjà malmenée par la police. La meurtrière lâcha son arme sous la panique et s'approcha de la porte. Elle analysait ses possibilités, entendant la voix du commissaire résonner dans la ruelle. Il n'y avait aucune autre option. Elle poussa un long soupir en se tournant vers Cassiopée. Elle passa sa main sur sa joue, sentant vraiment sa peau rugueuse se plier entre ses doigts. Elle lui rendit son mouvement, écoutant ces quelques mots avec un sourire narquois.
« -Il semblerait que je parte rejoindre James... »
« -Non. » Rétorqua-t-elle sans hésiter. « Tu viens avec moi, comme promis. »
Dans un baiser des plus purs, elle sentit la force de son corps s'abandonner à la pulsion que donna celui de Cassiopée. Et dans une envolée amoureuse, une dernière surprise et un mouvement apaisé des sourcils, Molly ferma les yeux dans sa chute et passa par la fenêtre. La police entra dans la pièce, ne voyant qu'une seule femme tomber de la pièce. Mais elle ne se sentait pas seule. Elle voyait le visage de son amante lui sourire, sûre d'elle, alors que le vent et l'immeuble défilaient en arrière plan.

« -Ça t'a fait mal ? »
« -J'ai rien senti, merci. »
Le soleil brillait enfin. Il pleuvait aussi, mais il n'y avait pas d'arc-en-ciel pour voler la vedette au magnifique ciel bleu qui se dégageait au-dessus d'elles. Le vent était calme, une légère brise simple pour venir brasser l'herbe et les cheveux. Il passait vaguement dans la mèche de Cassiopée, habillée de son débardeur blanc et de son survêtement. Il était plus taquin avec les cheveux de Molly, les faisant danser comme il faisait danser les brins autour d'elle. L'immensité se détachait devant elles sous la forme d'un océan infini. Une hache, tout comme celle du collier, était plantée dans le sol et leurs pieds venaient se reposer contre la lame. Une odeur de fraise se mêlait au tabac que fumait la plus grande et ce mélange de parfum emportait dans ses courses folles quelques pétales sortis de nul part. Une tâche de sang venait brouiller cette belle vision, à peine visible sur le front de Cassiopée. Elle était assise dans l'herbe, la clope au bec et la main posée sur l'estomac de sa copine. Elle fixait l'horizon avec ses deux beaux yeux, appréciant chacune des bouffées comme elle appréciait chacune des brises qui venaient les couvrir. Une musique lointaine émergeait difficilement, assez pour imposer son rythme mais pas assez pour gâcher un tel moment. Le bruit des vagues heurtant le sable était plus puissant et créait une atmosphère chaleureuse. L'eau qui tombait du ciel était fine, s'écrasant sur les cheveux des filles comme des milliers d'aiguilles en tissus venues rafraîchir leurs peaux brûlante. Molly était allongée dans une grande robe rouge, tenue à la taille par une ceinture noire aux ronds d'aciers. Elle avait un collier autour du cou et son œil était magnifiquement décorée de maquillage. Elle avait une glace entre les lèvres qu'elle suçait comme un bébé. Ses mains tenaient sa nuque loin de la terre, joignant ses doigts pour y reposer sa tête. Sa genou plié soutenait sa seconde jambe et le talon noir qui pendait dans le vide suivait machinalement le bruit de la musique qu'il captait.
La fumée grise émana des poumons de Cassiopée. Elle tendit alors sa cigarette à sa petite compagne qui refusa d'un mouvement de tête. Le soleil déclinait doucement au loin et semblait être avalé par la surface de l'eau. Ses rayons la frôlaient cependant et venaient souligner toutes les imperfections de leurs corps. Les voir les rendait plus belles encore. Elles rayonnaient comme des anges, et cela même si l'une d'entre elle fumait. Elle ne jeta pas le mégot au loin, elle le glissa dans sa poche. Elle abandonna cette pause toxique pour s'allonger aux côtés de son amante. Elle posa sa main entre ses seins pour sentir son cœur battre, enfin apaisé. Elle laissa choir sa tête dans le creux de son cou et déposa sa jambe sur son genou, venant embêter sa position pour la forcer à tendre les siennes. Un petit rire cristallin se propagea dans l'immensité de lumière où elles baignaient.
« -J'avais jamais remarqué tes tâches de rousseurs. » Dit enfin Molly dans un chuchotement.
« -Ah bon ? Tu vas me dire, tu n'as qu'un œil. »
« -Hey ! » Elle la poussa amicalement du bras. « Tu peux parler mademoiselle deux mètres dix. »
Elle gloussa à son tour, d'un rire plus rauque et plus masculin mais pas moins sincère. Elle se redressa légèrement, assez pour déposer son menton sur son sein. De cette petite colline, son regard pouvait apprécier l’œil bleu de Molly. Il ne voulait pas se déposer sur elle, profitant du couché de soleil au bord de la plage.
« -Pourquoi mes tâches de rousseurs ? »
« -Parce que je les trouve magnifique. »
« -Tu es bien entreprenante pour une gothique renfermée. »
Cassiopée dut laisser la place à sa compagne pour se redresser. Elles venaient d'échanger de place, Molly se retrouvant assise aux côtés d'une grande demoiselle couchée dans l'herbe. Elle ne détournait pas le regard du soleil, osant risquer sa prunelle à ses rayons. Les doigts de sa main droite jouait avec le tissu fragile du débardeur, perçant de leurs ongles le lin médiocre du vêtement.
« -Il y a plein de mot que je n'ai pas pu te dire avant ta mort. Je les ai tellement regrettés. Alors maintenant je te dis tout ce qui me passe par la tête. »
Molly trouva alors le courage de se mettre sur Cassiopée. Celle-ci était maintenant écrasée par la petite taille, le petit poids, la petite poitrine et le petit minois de sa collègue. Elle voulut caresser sa joue, mais son poignet fut capturé par une main plus belle et plus gantée que la sienne.
« -Et à quoi tu penses ? »
« -Je pense à toi. À ton sourire. Ouais, celui-là. »
Son sourire en coin, Cassiopée partagea un nouveau baiser avec son amante. Mais leurs lèvres ne se détachèrent pas. L'une passa ses mains dans la nuque de l'autre, celle-ci répliquant en posant ses mains sur ses hanches. Elles échangèrent ce baiser comme s'il était le dernier, avalées par le couché de soleil. Elles étaient toutes deux apaisées, enfin l'une contre l'autre. C'était agréable de voir des inséparables se retrouver après un an de torture. Ici, rien ne pouvait plus les atteindre parce que l'amour était plus fort. Pas un amour cliché, pas un amour facile, mais un amour qui brisait les chaînes des réalités. Une union qui n'avait pas peur de dire :
« -J'adore tes tâches de rousseurs, bouffonne. »
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