Le Petit Livre
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Le répit de ceux qui ne dorment pas Empty Le répit de ceux qui ne dorment pas

Dim 23 Sep - 23:42
I – Les reflets de l'eau

C'est vrai, je le connais depuis bien longtemps, C'est peut-être pour ça que vous venez me voir en première. À vrai dire, il n'était pas comme les journaux le décrivent. À l'époque, c'était un garçon très amusant. Il avait toujours le sourire sur le visage et traînait avec toute la classe comme s'il était le roi d'une cour trop jeune. À ses côtés, on avait l'impression d'aller partout. Il nous traînait dans une petite forêt, au-dessus du quartier. Elle était étouffée sous un nuage de pollution et quelques détritus nous guidaient jusqu'à un bosquet. Pour nous, ce n'était qu'un décor banal, mais il arrivait à nous faire croire que c'était une immense forêt plongée dans la brume.

Il n'avait rien à voir avec ce que le télé raconte. C'était un jeune homme très bien, le plus sociable que j'ai connu. Il était capable de se faire des amis en quelques minutes et à les entraîner dans ses histoires. Il avait un seul problème à l'époque : Il ne comprenait pas ce que non voulait dire. Pas littéralement. C'était une vraie tête de mule qui continuait à gratter le sol la tête contre le mur. D'après ce que j'ai cru entendre, c'est toujours le cas ? Ça fait plaisir de voir qu'il y a des choses qui ne changent pas.
Mais ce n'est pas pour son enfance que vous venez me voir ? C'est pour cette histoire d'agression sexuelle ? J'ai entendu ces rumeurs et franchement j'ai du mal à y croire. Gentil et romantique comme je l'ai connu, je le vois mal attacher une pauvre vierge pour la violer. Psychologiquement, il est stable. Il a vécu dans une famille aimante, il a eu quelques problèmes avec comme tout le monde, mais il en est sorti grandi. Il a eu la chance d'avoir des amis, des gens auxquels ils étaient proches. Je crois qu'il traîne encore avec eux d'ailleurs, ça doit lui faire tellement plaisir. Je l'ai vu grandir, de ce petit garçon excité à ce nouvel adulte rassurant. Il fallait le voir, son sourire seul vous donnait envie de continuer. Le doute tremblait à chaque fois qu'il entrait dans une pièce. Il était excentrique, des cheveux colorés et une veste qui tombait en morceaux, mais ça devenait des qualités au fur et à mesure que sa confiance se renforçait.

Oui, j'ai eu une aventure avec cet homme. J'étais... J'étais perdue, je ne vous le cache pas. Je sortais d'une relation difficile et ma situation familiale ne m'aidait pas à aller mieux. Il n'avait pas tout ces problèmes à l'époque, c'était juste un gamin normal. On s'est couchés sur le canapé, l'un à côté de l'autre et la chaleur de son corps me rassurait doucement. Une blague pour me faire rire, un peu d'auto-dérision pour me donner l'avantage sur lui et le courage d'un baiser lui suffit pour voler mon cœur. Enfin, un petit morceau. Juste assez pour rythmer notre nuit, je suppose. C'était un ange, un vrai. Il avait les mots qui fallait et les caresses que je désirais. Le plus important, c'est qu'il ne m'obligea à rien. Je serrai son cœur dans du barbelé, mais c'était avec le sourire qu'il le prenait. Je ne comprends pas comment il peut être accusé d'une telle chose.
Je l'ai croisé plus récemment, en début d'année. Il avait changé, il avait troqué son accoutrement de faux punk à un trench beige et une cravate bleue. Ça lui donnait un côté angélique, mais c'était pour mieux tromper son publique. Il avait doublé son lot de cicatrices, voir plus que ça. Il en avait sur le visage, des griffures et des plaies. Plus de coupures sur les mains, sur les bras, une épaisse marque sur le coup. Quand nos vêtements tombèrent, je pus voir tous les impacts sur son torse, sur son estomac. Ce n'était que la face visible de l'iceberg. Une fois notre délicieuse affaire terminée, nos draps étaient noyés dans son sang. La moitié de ses blessures étaient encore ouvertes. Les restes de coups de couteaux, de marteaux ou d'impacts de balles s'acharnaient dans son dos ou sur ses jambes. Assis sur le bord de notre couche, il commençait à peine à cicatriser.
J'ai essayé de rattraper son moral lors de sa chute, de lui rendre ses ailes pour qu'il puisse s'envoler. Je n'étais bonne qu'à donner vie à ses propres mots morts depuis des années déjà. Je répétais bêtement ses phrases, espérant naïvement que ça pouvait marcher. Un seul de ses regards suffit à me faire comprendre que c'était con. Il avait retrouvé le sourire, celui que je n'avais pas vu de toute la journée. Et la lueur de la lune le rendait plus resplendissant. C'était comme si faire l'amour avait rechargé ses batteries. Sa voix retrouva du poil de la bête, plus forte et impactant comme à l'époque. C'était un timbre qui faisait retourner tout les imbéciles de l'établissement lorsqu'il arrivait le matin. Il me proposa même de sortir. J'acceptai et nous nous retrouvâmes dans le lac d'à côté. Il faisait nuit, l'eau était froide mais ça ne faisait rien. On laissait un portable sur la berge abandonnée, faisant tourner Rémi de Columbine. Il nageait comme un vrai professionnel et j'avoue avoir eu le souffle coupé en devinant ses muscles se tendre dans la nuit. Il m'invita évidemment et me porta aisément. Plus on s'approchait du sol, moins il y avait d'eau et plus c'était facile pour lui de me tenir dans ses bras.

Le plus incroyable, ce fut lorsqu'une bande de gamin espiègle vint nous dérober nos affaires. Vous allez me dire, on avait été assez cons pour les laisser là sans surveillance. Mais je les remarquai à temps, criant à leurs ombres fugaces des insultes inutiles. Je me mis à courir, mais il me passa devant. J'eus l'impression de suivre une voiture. Le vent siffla de bonheur devant une telle prouesse. Mais je ne parle pas d'une prouesse humaine, c'était un vrai éclair qui frappa à mes côtés. Il les attrapa avant même qu'ils atteignent le bord de la route. Ils essayèrent de se battre, mais il en assomma un d'un revers de la main. Il récupéra nos affaires et fit quelques menaces sans plus. Quelque chose me dit qu'il savait ce que ça faisait d'être à leur place.
Il me quitta le lendemain et dans une petite courbette agréable comme il avait le secret. Il ne m'a pas violé, il ne m'a pas frappé et il n'a même pas perdu de temps à raconter ses problèmes. Je voyais bien que quelque chose clochait. Il prit simplement le temps de se rhabiller et de me glisser ces quelques mots :
« -Le pire, c'est les blessures que tu ne vois pas. »
Vous comprenez pourquoi je le vois mal faire de mal à d'autres filles ? Il a assez de conneries à régler, il n'a pas besoin d'en créer d'autres.

II – Soumission et conflit

C'est un con, j'ai rien d'autre à vous dire. J'en ai rien à foutre de ce qu'il a pu faire, ça lui fait les pieds d'être enfermé dans une prison. Vous comprenez, après avoir été prise pour un vagin artificielle, ça me fait du bien de savoir qu'il va en prendre plein la gueule. Je ne veux pas qu'il sorte, je vais pas témoigner pour le défendre. Non mais c'est quoi cette histoire, vous êtes gonflés franchement  Vous savez quoi ? Je vais vous raconter une histoire, vous allez vite changer d'avis. Entrer, je vous serre un jus d'ananas.
Je l'ai rencontré dans un voyage, on était dans le même bus. Ce genre d'engin qui traverse tout le pays. On l'avait pris à Paris Bercy, il s'arrêtait à Annecy, moi à Lyon et on s'était retrouvés l'un à côté de l'autre. Pour être honnête, oui il était vraiment mignon comme ça. Il avait un petit côté rebelle qui me faisait craquer et ses cicatrices le rendaient encore plus attirant. Je ne les avais pas toutes vues, il en cachait sous ses vêtements, mais il y avait un paquet rien que sur le dos de sa main. Je pus la toucher quand je fis tomber mon portable, et sa peau était rugueuse comme le cuir. C'était étrange ouais, mais ça ne me dégoûtait pas de lui. Les vingt premiers kilomètres fut une vieille parodie de Twilight. J'étais une jeune et frêle adolescente tentant d'approcher un mystérieux garçon avec un teint pâle et un air malade. J'essayai plusieurs fois d'ouvrir la discussion, mais c'était si compliqué sourd comme il était avec son putain de casque sur les oreilles. Il ne m'accordait que de petits regards lorsqu'il changeait de musique et nous eûmes des échanges pathétiques qui me donnaient un air stupide.
Mais au bout d'un moment, je me rendis compte de quelque chose de bizarre chez lui. Une odeur grattait les litres de déodorant qui couvraient sa peau. Un mélange de liqueur et de fer picotait mes narines régulièrement. Ça m'intriguait vous voyez ? J'ai jeté un regard par-ci, par-là sans qu'il ne m'attrape. Son regard était perdu dans les paysages défilant de toute façon. J'aurais pu brûler qu'il ne s'en serait pas rendu compte. Il ne compris même pas que je découvris son petit secret. Son dos était plein de sang. Il avait mis une serviette sur le siège, mais ça ne l'empêchait pas de laisser d'énormes traces sur son siège, mais sans doute allaient-elles passer inaperçues lors de la descente vu le nombre de passagers. Il n'y avait que son dos, le haut de sa chaussette gauche se teintait de rouge. Bientôt, il allait laisser les marques de ses semelles partout où il marchait. Je ne savais pas ce que c'était que ce merdier, mais je n'avais aucune envie de rester à côté de lui.

Le film d'amour à l'eau de rose se transformait doucement en cauchemar. J'étais enfermé dans une prison roulante à côté d'un mec qui pissait le sang. Non je ne m'inquiétais pas pour lui, j'aurais dû ? Ça aurait pu être n'importe quoi ! Une vieille maladie mortelle ou une infection dégoûtante. Je ne savais même pas ce que cachait son tee-shirt. C'était vraiment dégueulasse. Je le fuyais comme un démon à ce moment, me collant au couloir en attendant que le temps s'écoule. Je ne voulais pas savoir ce que c'était, tout ce que je désirais c'était me casser de là. Et j'en ai eu la possibilité. De Paris à Annecy, le conducteur devait prendre une demi-heure de pause à mi-chemin. Alors ouais, ça faisait trois heures que je subissais les litres de sang qu'il déversait, mais je pris mon mal en patience et je me précipitai dehors dès que le monstre fut arrêté. Il fut obligé de sortir lui aussi, j'en profitai pour l'espionner de loin.
De sa descente jusqu'à sa disparition derrière la station essence, jamais son pied gauche ne toucha le sol. À croire qu'il était en sucre et qu'un seul contact l'aurait pulvérisé. Il ressemblait à un vrai pépé, tenant fermement son dos comme s'il empêchait une tour de s'écraser. Je voulais rester à distance un maximum alors je pris le temps de demander au conducteur si je pouvais changer de place. Heureusement, il m'y autorisa. Mon périple n'était pas fini et mon calvaire ne faisait que commencer. Je n'avais pas la tête pour un café, je pris autre chose pour avaler tout ce qui venait de se passer. Quel monstre pouvait-il être ? Un humain serait mort après avoir perdu autant de sang. J'aurais pu remplir un lac avec si j'avais eu des centaines de bouteilles. Je pris le temps de réfléchir, de panser les plaies de mon esprit tranquillement assise sur une table en bois. Puis le besoin m'appelant, j'eus envie de m'en cramer une. Je n'avais aucune cigarette, mais mon odorat entraîné me mena à quelqu'un qui en avait.
C'était lui, adossé au mur du magasin comme un sans-abri mourant. Un seul de ses genoux était plié, son autre jambe se serait brisé comme du verre. Il était à la fois fort et faible. Un vampire mystérieux, blessé et malade, crachant des nuages gris violemment avalés quelques secondes plus tôt. Je restai discrète, j'étais même prête à m'enfuir s'il n'avait pas commencé à philosopher avec un fantôme. Seul, il se morfondait sur son sort à coup de :
« -Putain de merde... Viens me voir à l'occas' qu'elle disait, on passera la semaine ensemble. Je pensais au moins pouvoir tirer mon coup quoi. Regarde moi ça. » Et pendant le silence qu'il instaura, il passa sa main sur son pied nu. La peau se détacha comme s'il avait tiré sur un morceau de scotch moisi. C'était répugnant, ça laissant du sang partout sur le sol. J'eus envie de vomir tant l'odeur fut forte. « On dirait un putain de zombie. »
Ça me fit rire, il me chopa.

Ouais c'était con, mais c'était tellement vrai. C'était un vrai cadavre sur pattes. Le voir l'avouer si facilement ça m'a fait marrer. Mais bon, ça n'excuse pas sa réaction. Il se jeta sur moi comme un chien en manque sur une petite femelle. Il m'a pris pour quoi ce enfoiré ? Une fille facile ? Dans son état, je n'avais qu'à donner un bon vieux coup de pied dans sa cheville et il aurait été incapable de remonter dans le bus. Mais sa poigne était puissante, ma gorge fut serrée par un étau en métal. Il ma retournée comme une crêpe, écrasée contre le mur en glissant son corps dégouttant contre moi. Il grogna, un vrai animal soufflant sur sa proie. Je ne suis pas un morceau de viande !
« -Tu m'espionnes ? » s'étonna-t-il. « Continues comme ça, c'est le meilleur moyen de te faire violer. »
« -Tu me menaces ? » Ai-je eu du mal à répondre avec la pression qu'il mettait sur mes cordes vocales.
Et oui, c'était ce qu'il faisait ! Il avait beau m'avoir lâché et s'être éloigné, je savais qu'il rôdait autour de moi comme un tigre. J-J'avais l'impression d'avoir ses yeux collés à mon dos. Je me retournai toutes les trois secondes, pensant le trouver à me fixer. Je... Je devenais parano ouais. Vous pouvez vous moquer, mais vous auriez réagi comment ? J'aurais tellement aimé que ça se termine là. J'aimerais vous dire qu'on est remontés dans le bus et qu'on a repris la route. Mais non, ce ne fut pas le cas. On commença à faire la queue à l'entrée du véhicule, mais le chauffeur brisa nos rêves d'un coup de botte. Un accident avait eu lieu un peu plus loin et les autorités avaient fermé l'autoroute pour une heure voir deux. On allait avoir du retard, mais nos billets allaient être remboursés. J'en avais rien à foutre de mon argent, c'était mon cul qui m'inquiétait. J'étais égoïste à ce moment-là, préférant oublier toutes les victimes et les dangers potentiels pour m'occuper de moi et de mes petites fesses.
Le temps s'écoulait lentement, à croire que quelqu'un retenait les grains du sablier. J'étais seule à une table, je prenais le temps de savourer un thé. Il était certes un peu merdique, mais la situation s'y prêtait parfaitement. Ce fut en soufflant l'épaisse brume loin du lac que je sentis sa présence. Ce monstre était derrière moi, juste derrière. Il me contourna bien vite pour me rejoindre. Il était assis en face, les bras croisés et l'air sérieux. Il n'avait pas risqué de lever sa jambe gauche, elle était restée tendue l'obligeant à s'asseoir de côté. Son regard me mettait mal à l'aise : c'était comme si je plongeais mes yeux au travers des fenêtres de l'enfer.

« -J'ai besoin de toi. »
« -Tu te fous de ma gueule, tu m'as menacée de viol ! » m'écriai-je pour bien me faire entendre.
Mais il avait de la chance l'enculé, il n'y avait personne derrière les arbres qui nous encadraient. Ma petite intervention le fit ricaner. D'une façon cynique, mais ça réussit tout de même à me vexer.
« -Tu trouves ça dr- »
« -Faut qu'on baise. »
Vous imaginez ça vous ? Il me sortit ça sans pression. Vous vous doutez bien que ma première réaction fut de lui en mettre une. Non mais...Après ce qu'il avait dis, c'était gonflé de sa part. Je n'avais jamais rencontré un plus gros chien que lui. C'était une espèce d'ordure qui ne pensait qu'à faire l'amour. Et vous savez ce que c'était son excuse ? Il pouvait me faire gagner du temps et sauver des vies grâce à l'énergie que ça lui procurait. Pour qui il me prenait ? Cette technique marchait peut-être sur des enfants de douze ans mais j'étais loin d'être aussi jeune. Il visait hors de sa ligue le coco.
Vous pensez que je lui ai dis quoi ? Non, je n'allais pas faire l'amour avec lui. Il était mignon mais c'était bien son seul atout. C'était une raclure qui traînait son sang partout sur son passage. J'étais incapable de m'imaginer avec lui sans avoir envie de vomir.
« -J'imagine que ça te donne pas trop envie hein ? » Demanda-t-il comme si c'était une blague. « Mais il faut que tu me croies. »
C'était trop. Je voulais partir et me cacher de lui jusqu'à l'arrivée du véhicule.

Oui, oui oui et oui ! Je ne vais pas vous mentir, il m'a eu. Vous pouvez vous moquer ! Il était juste...Tellement persuadé de pouvoir faire quelque chose que je n'ai pas su dire non. On a marché discrètement jusqu'aux toilettes de la station et on...Enfin je vous fais pas un dessin, vous avez compris. Je lui avais bien fais comprendre que je n'étais pas une fille facile et que...Que s'il voulait arriver à ses fins ce serait protégé et que je serais au-dessus. Ça n'avait rien de pervers, je ne voulais simplement pas me tâcher de sang ! Pendant trente longues minutes je ne détournai pas les yeux de sa jambe gauche. Je fis tout ce que je pus pour ne pas la toucher. Et croyez-moi croyez-moi pas, ce qui se passa ensuite me laissa sans voix. Il se rhabilla comme un voleur, prouvant encore une fois que lui et les bonnes manières n'étaient pas meilleurs amis. Pourtant, lorsqu'il poussa la porte il ne boitait plus. Il marcha même d'un pas décidé et j'eus du mal à suivre sa cadence. Il était bien moins malade, comme si notre partie de jambe en l'air faisait l'effet d'une boisson énergisante. C'est difficile à croire je sais, et pourtant je ne suis pas la première personne à vous en parler ? Sachez que la suite est encore plus folle.
J'eus du mal à le suivre jusqu'à la scène de l'accident. Il y avait les pompiers et la police, leurs sirènes hurlaient et leurs lumières tournaient comme enfermées dans un cruel manège. Des agents empêchaient quiconque de s'approcher, mais on pouvait entendre d'ici les cris de quelqu'un écrasé entre les épaves. Un automobiliste avait perdu le contrôle de son engin et avait emporté plusieurs autres conducteurs avec lui. Les autorités essayaient de les sauver et elles avaient été très compétentes jusqu'alors. Mais la dernière victime était bien coincée, un seul faux mouvement l'aurait pulvérisé comme une biscotte sous une botte en acier. Je ne m'approchai pas plus, immobilisé par le seul signe de l'homme en chasuble jaune. Par contre, l'autre salaud n'en fit qu'à sa tête. On avait beau essayer de l'arrêter, il n'avait pas l'air de vouloir s'arrêter. Il poussa son opposant sur le côté d'une seule main, sans même forcer. Je n'avais jamais vu personne être aussi fort. Il se baissa sur le carcasse et la souleva. C'était un morceau de carton pour lui ! Il envoya une voiture sur le côté. C'était...Je n'ai pas d'autres comparaisons ! Ce n'était pas plus compliqué que de décortiquer des cartons. Il déchiqueta la porte qui bloquait le passage pour la lancer au-dessus de lui. En quelques secondes, il sortit le rescapé sans la moindre difficulté.

Comment ça je m'énerve pour rien ? Parce que vous pensez pouvoir excuser son comportement ? Le respect c'est presque aussi important que le reste : Les femmes ne sont pas des objets qui ne méritent que d'être baisées.

III – Une proie intouchable

Vous le défendez ? C'est vrai ? Hé bien je dois vous avouer que...Je ne sais pas quoi en penser. C'est un vieil ami, je l'ai connu pendant ses grandes études. Lui, il arrivait à me comprendre. Il était un peu bizarre, absolument pas comme Ophélie le décrit. Il était loin d'être surpris de tout. Au contraire, le vie semblait l'ennuyer. Il aimait avoir les mains dans les poches, même lorsqu'il fumait et ses yeux bleus étaient cachés derrière de hautes lunettes de soleil. Même en hiver, et peu importait les moqueries des autres. Quelque chose semblait le torturer, il lui arrivait même de fixer le sol pendant de longues secondes sans réagir à ce que je lui disais. Il était happé, collé à son téléphone sans vouloir laisser fuir une information.
Mystérieux ? C'est comme ça qu'un de vos contacts le décrit ? Mhm... Je ne pense pas. Quand on est mystérieux, c'est un peu pour plaire aux autres non ? Lui, c'était tout le contraire. S'il avait pu se débarrasser de ces démons, je pense qu'il l'aurait fait. Il avait l'alcool mauvais à l'époque, dès qu'il avait deux ou trois bières dans le sang il s'éloignait du groupe. Il ne cherchait pas à faire de contre-soirée, juste épargner aux autres son état. Il finissait toujours par penser à cette chose, et je peux même supposer que ses nuits n'étaient pas aussi calmes qu'il le faisait croire. À force, on s'est perdu de vu. Je n'ai pas honte, je me suis éloignée de lui. Ses histoires infectaient ceux qui l'entouraient et je ne voulais pas subir leurs effets. Ça m'a fait du mal, parce que c'était vraiment un chic type. Il était loin d'être comme moi, préférant se jeter dans une piscine de pêchés plutôt que de se soumettre à l’abstinence, mais on s'entendait bien. Il ne méprisait pas ma religion, il voulait juste l'ignorer. Si j'avais choisi de vivre avec ces règles, c'était mon choix et il le respectait. Mais dès que j'essayais d'envahir son espèce personnel, il me faisait comprendre vite que je prenais des aises. C'était comme... Traîner avec un bouquet de rose. Si j'approchais trop mes doigts de la fleur, elle me piquait. Je suis partie parce que je n'aimais pas saigner. Si c'était à refaire, je n'hésiterais pas. Ça m'a fait du bien.

Mais quand je l'ai revu l'année dernière, j'ai douté. Assis dans un parc, son sourire habituel sur le visage il avait perdu ses yeux sur le trottoir. Il voyait quelque chose que j'étais incapable de discerner et ma présence vint brouiller cette méditation. Sa voix avait mué, il avait pris des rides et des blessures me dessinaient sa violente évolution. Ce n'était que des détails, je préférai demander des nouvelles. Tout allait bien pour lui, pas d'ombres au tableau et ses soucis s'étaient apparemment envolés avec le temps. Il était de passage, en plein voyage alors moi naturellement je lui ai proposé :
« -Bah passe la semaine à l'appart', il y a de la place. »
Bien sûr qu'il a accepté, pensez-vous. Et il a été un hôte des plus respectueux. Il faisait la vaisselle et le ménage pendant que j'étais dehors à faire les courses. Alors oui, c'est un peu cliché mais je faisais à manger. Par contre, plus le temps passait plus il allait mal. Mentalement, rien ne changeait. À vrai dire, je le trouvais même plus enthousiaste qu'au début de la semaine. Par contre, dès le troisième jour, il commença à se couper sans aucune raison. Rentrant de cours le mercredi midi, je le trouvai coincé dans la salle de bain. Il ne voulait pas m'ouvrir, mais je sus me faire autoritaire. Il faisait couler de l'eau sur son corps nu. Jusque là, aucun problème. Mais... Du sang se mêlait au liquide et glissait dans la baignoire. Je n'arrivais pas à détacher mes yeux de ces traces invisibles. J'osai même traîner mes yeux sur sa peau. R-Rien de pervers ! Juste pour voir les plaies qu'il s'était fait.
J'ai été stupide, j'avoue. Sur le coup, je paniquai. À quoi vous auriez pensé ?! Bien sûr que j'ai cru que c'était de sa vote. Une hystérie passagère, un couteau de la cuisine et le résultat me faisait peur. Mais rapidement je compris qu'il était incapable de se lacérer le dos seul. D'où ça venait alors ? Il ne voulait pas me dire. Tous les scénarios passèrent dans ma tête : Braquage, combat de rue, boxe illégale, je pensai à toutes les excuses possibles avant qu'il ne me calme d'un haussement de ton. Je... Quand il m'expliqua, c'était encore plus flou ! Il raconta des histoires incroyables.

Il était capable de soulever une voiture à bout de bras. Il avait la vitesse d'un couguar et pouvait retenir sa respiration pendant plus de huit minutes. Il ne ressentait pas la douleur d'une brûlure, d'une coupure ou d'un bleu. De ce qu'il disait, il ressortait toujours de ses histoires indemne. Pas une marque n'était censé défigurer son corps. C'était les points positifs de la maladie qu'il portait. S'il avait connu les points négatifs, il n'aurait sans doute pas accepté. Le truc c'était que ces talents ne ressortaient qu'une fois après l'amour. Il avait besoin de faire la bête-à-dodo régulièrement pour s'éviter la mort de son corps. Quelques jours de ceintures et des plaies commençaient à apparaître comme des stigmates incessants. Il devenait faiblard et ses os se transformaient en ratatouille. C'était...
J'ai eu du mal à le croire, mais je ne pouvais pas douter de sa parole tout de même ! Vous l'auriez peut-être fait, mais moi je suis une bonne amie. Surtout pour lui... Je me disais que ce n'étaient que des excuses à deux balles ou une méthode de drague d'un autre pays. J'en ai rougis avant de réfléchir. Il était nu devant moi et l'eau couvrait le bruit de notre discussion, il aurait pu tenter tellement de choses à ce moment-là si ce n'était que pour profiter de moi. De toute façon, s'il pensait pouvoir se glisser sous ma culotte ce soir, il se mettait le doigt dans l’œil. J'osai tout de même passer ma main sur son bras. Il se laissa faire en plus. Il resta debout, immobile sous l'eau de la douche pendant que mes doigts glissait sous une surface à la fois humide et rugueuse. J'avais l'impression d'être une déesse et de passer le bout de mes mains sur une chaîne de montagne, sur les cratères de volcans et sur des océans de sang. Il avait besoin d'un Noé pour ce sauver d'une telle apocalypse.

Je ne pouvais pas l'aider, il le comprit très vite et commença à sortir pour chercher de quoi se régénérer. C'était bizarre de le voir ainsi. Je venais avec lui, m'écartant à chaque fois qu'il se lançait à la chasse. Juste... C'était horrible de voir les autres femmes comme du gibier qu'on chassait pour le nourrir. Quelques fois, ses charmes marchaient et il passait quelques minutes dans l'appartement de sa victime. Il redescendait pourtant toujours avant l'acte. Le sang qu'il laissait derrière lui n'aidait pas et il ne put se nourrir de toute la semaine. Quand on se quitta, la seule chose qu'il regrettait fut de ne pas avoir pu prouver ce qu'il disait. Comme s'il avait besoin, il pouvait toujours compter sur moi.
« -Hey, on est pas potes que quand ça va mal. J'te crois couillon. »
Ce sont les derniers mots que je lui ai dis avant qu'il ne monte dans son bus de malheur. Ouais, je suis au courant de ce qui s'est passé plus tard. C'est notamment cette histoire qui fait le fait passer pour un obsédé hein ? Je comprends son comportement, même si je ne l'accepte pas. C'est juste... Ce n'est tellement pas son genre, qu'est-ce qui lui est passé par la tête ?
Sauver des gens ? Qui Raphaël ? Non impossible. Je devrais croire qu'il y a du bon en tout le monde, mais s'il y a bien une chose dont Raphaël se fout plus encore que la politique c'est bien de son prochain. Il n'a pas vraiment d'empathie pour les gens qu'il ne connaît pas et même ses proches... Il a tendance à les sacrifier pour un but plus important à ses yeux. Si on s'était éloigné, c'était pour une raison. Je n'ai pas été manipulée qu'une fois, il a récidivé un bon nombre de fois et je suis partis pour me protéger de ça. Je ne sais pas pourquoi, mais il est capable de tourner le dos à quelque chose qu'il aime. Dans quel but ?
Si c'est ce que vous cherchez, trouvez Erika. Elle doit savoir ce que c'est.

IV – L'odeur du café.

Ouais je me souviens de lui. La dernière fois que je l'ai vu, c'était il y a un moment déjà. Un mois ? Peut-être deux je ne suis pas sûre. Il était sacrément bizarre, c'est moi qui vous le dis. Je ne suis pas du genre à en avoir quelque chose à faire habituellement, mais quand je l'ai vu debout sur le trottoir, je me suis sentis obligée de m'arrêter. Fallait dire que vu son état, il y avait de quoi être inquiète, même pour quelqu'un comme moi. Il regardait fixement la fenêtre brisée du troisième étage comme un poisson regarderait un nouvel accessoire. Il en était tombé, il y avait des morceaux de verre et du sang tout autour de lui. Il y avait un photocopie parfaite de son dos à ses pieds. Tous les centimètres de peau qui étaient restés intacts tremblaient, c'était un vrai immeuble sans pilier porteur. Pourtant, son expression ignorait les mots que la douleur lui chuchotait. Il était simplement... Obnubilé par cette fenêtre. Je crus y voir une silhouette, mais j'étais en voiture alors je n'étais pas sûr. Ça aurait pu être une tâche sur ma vitre ou sur mes lunettes, un reste du joint que j'avais fumé ou n'importe quoi d'autre. Je sortis de la voiture la cigarette entre les lèvres pour l'interpeller.
Je lui demandai juste s'il allait bien. J'avais la main dans la poche, prête à dégainer mon téléphone pour appeler les urgences. Sa tête se tourna lentement vers moi. Je m'attendais presque à entendre le bruit d'une porte rouillée tant la façon dont il bougeait était bizarre. Il fit quelques pas vers moi avec un léger sourire. Je pris peur, ce n'était plus mon portable que je voulus sortir mais mon couteau papillon. Tout ce qu'il fit, ce fut s'écrouler, la tête la première dans ma poitrine.
Je ne me souviens plus de comment il a fait, mais il fut convainquant. Il m'empêcha de l'amener à l'hôpital.
« -Va falloir attendre 14h si tu veux que je t'emmène chez moi. Il y a encore mes parents. »
« -Alors... » Souffla-t-il difficilement. « Attendons, j'suis pas pressé. »
Ce fut comme ça qu'il tourna la phrase. Ce fut ainsi qu'on passa deux heures dans ma voiture à tourner dans le quartier. Couché sur ma banquette arrière, il foutait de l’hémoglobine de partout. Pour une gothique, ça n'avait pas d'importance mais quand même. Mon beau cuir quoi. Il ne me lâcha aucune information lors de notre petit voyage. Par contre, une fois installé dans une baraque hors de prix couché dans un lit sous le grenier, il fut soudainement plus bavard. Pour dire quoi ? Ça faisait plusieurs semaines qu'il vivait en collocation avec un de ses plan cul. Ce matin, ils s'étaient engueulés et elle l'avait fait passé par la fenêtre. Il racontait ça comme si ça n'avait été qu'une scène de ménage banale.
Ce jour-là j'ai appris plein de chose sur lui. J'avais du mal à le croire, mais c'était incroyable ce qu'il était prêt à faire pour une café. Ça avait une signification très précise pour lui. Il portait un amour contestable pour cette boisson chaude, comme si elle représentait un trophée qu'il avait honte de recevoir. Pour moi, ce n'était qu'une lubie parmi tant d'autres. Ce n'était pas un garçon sain, c'était sûr. Avant d'emménager avec la femme qui l'avait mis dans cet état, il était en voyage constant. Le genre de vagabond avec un grand sac à dos et une tente, le pouce toujours levé sous le soleil à son zénith. Il avait perdu contact avec un être cher, il n'avait plus le bon numéro et ne savait pas où elle avait déménagé. Il était à sa recherche depuis quelques années déjà et vivait de la générosité de ceux qu'il croisait.

Il avait de la chance de tomber sur moi alors, je n'avais pas peur de lui donner le peu que j'avais. Je vivais chez mes parents à l'époque et... Ça me fait du mal de l'avouer mais j'étais mal dans ma peau là-bas. Je vivais dans dix mètres carrés sous le grenier et le peu que je gagnais servait à payer la pension que je leur devais chaque mois. Il avait pitié de moi quand il le sut. C'était un peu comme s'il essayait de m'inculquer de la liberté. Il me regardait tourner dans ma cage, aidant des inconnus passés par la fenêtre seulement parce que ma vie personnelle ne me plaisait pas. Il ne me donna pas de conseils stupides comme partir sans prévenir personne. Il était même plutôt sage, préférant m'apprendre à forger mes armes plutôt que de me les donner. Ça me surprit, je ne m'attendais pas à ça quand je l'avais ramené. Je me disais qu'une fois sur pieds, il se dépêcherait de partir en me laissant sans nouvelles. Il ne me mentit pas. Une fois la porte passée, je n'entendrais plus jamais parler de lui. À vous voir ici, je me dis qu'il a eu tord. Il n'était pas conscient du monde qui l'entourait de toute façon. Il n'avait que cette personne en tête et rien d'autre. Avoir le dernier téléphone sorti ? Être à la mode ? Être beau et musclé ? Tout ça, il s'en fichait. À l'entendre, manger était tout aussi optionnel que toutes ces conneries. J'osai dire que c'était une obsession. J'étais sûre d'avoir raison pourtant ! Une type comme ça, constamment sur la route sans s'inquiéter pour lui-même, c'était clairement quelqu'un qui avait un problème.
Vous êtes au courant du coup ? J'ai pas besoin de vous expliquer ce qui s'est passé après notre petit discussion. Simplement que... Il était mignon et poli, je lui ouvris mes bras et il les prit avec délicatesse. On fit ça dans le lit de mes parents. C'était une façon de leur montrer ma rébellion, il insista énormément. Il était parti comme un camionneur, sans vraiment de romantisme. Ça contrastait avec sa présentation alors j'ai... Ouais j'ai eu un blocage. Qu'il a sut démêler en plus le salaud. E-excusez moi mais rien que d'y repenser j'en rougis. Dès qu'il a vu que je n'allais pas dans son sens, il stoppa ses vas et viens et préféra user de ses mains. C'était très agréable d'avoir un partenaire qui écoutait mon corps, je l'avoue. Surtout que je ne fus pas la seule à profiter de cette partie de jambes en l'air. À la porte, prêt à partir, ses blessures se refermèrent comme mille fermetures éclaires qu'on verrouillait.

Par contre, la suite le mit dans de gros problèmes. J'étais à peine habillée, j'avais une serviette tenue au-dessus de ma poitrine alors que le soleil léchait ma peau blanche pour la première fois à certains endroits. C'était un beau tableau, j'aurais aimé le voir partir en direction de l'astre brûlant. Mais c'était sans compter sur mes parents. Stupide comme j'étais, je n'avais pas fais attention à l'heure. Puis j'avais pas la tête à ça... Héhé.
Leur Duster traversa le portail, entrant dans le domaine par là où il s'apprêtait à partir. Mon père descendit avant même que la voiture ne s'arrête. Elle se stoppa à quelques millimètres de lui. Toutes cette scène me fit peur tandis qu'il se préparait au conflit. Il leva les mains en l'air, prêt à les mettre derrière sa nuque alors qu'il essayait de placer sa petite touche au milieu de la tempête d'insultes que mon père lui soufflait. Il me menaça aussi, mais Raphaël le força à s'acharner sur lui. Il prenait tout parce que je n'étais pas dans cette histoire. Selon lui ouais ! C'était de ma faute cette engueulade. Et quand ça vint aux mains, il avait l'avantage et de loin. Mon père lui asséna une droite alors qu'il essayait de lui expliquer. Il n'eut pas de mal à le repousser, et ma mère le menaça avec sa bombe à poivre. Ça dégénérait trop vite, au point qu'il renversa la voiture d'une seule main pour les intimider. Il lui suffit d'un clin d’œil et de quelques foulées pour s'enfuir.
Quelques jours plus tard, je partais à mon tour. Je ne pouvais plus vivre ici, sous le regard de victimes qui me torturaient pour que je parle à la police. Ce fut sans doute mes mensonges bancales qui se sont transformés en procès pour agression sexuelle. Il n'y a pas que moi dans le tas apparemment. Il a fait du mal à d'autres filles ? Je n'étais pas au courant. Il n'a jamais agi comme un porc avec moi. Bon, on s'est connus que sept petites heures, mais c'était un vrai gentleman. J'espère qu'il a retrouvé cette fille, parce que maintenant qu'il est derrière les barreaux ça va être compliqué. J'aimerais faire quelque chose pour lui, vraiment, mais je n'ai que cette histoire pour le protéger.

Témoigner en sa faveur ? Oui bien sûr. Je n'ai rien à faire ces temps-ci, je travaille sur un plateau de tournage et on a une semaine de congés à cause d'une histoire de droits. J'aimerais qu'il plonge pour quelque chose qu'il a vraiment fait voyez-vous. Genre dégradation de bien privés si ça existe.
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Le répit de ceux qui ne dorment pas Empty Re: Le répit de ceux qui ne dorment pas

Dim 23 Sep - 23:43
V – Philosophie du poing

L'espèce de... Il a survécu ? Putain, parano comme je suis je me disais que la télé et les journaux disaient de la merde. Comme d'habitude quoi. Du coup c'est vrai ? Il est va vraiment passer devant un juge pour agression sexuelle ? Ah le con. Il y a beaucoup de chose qu'on peut lui reprocher mais ça... Si ça aussi, mais avec moi ça a toujours été gentil.
Ce n'est pas pour ça que je vais vous aider à le sauver ! Cet imbécile m'a prise pour une conne trop souvent pour que je me jette à son secours. Il a passé six semaines dans mon appartement, et même s'il faisait le ménage et la cuisine pendant que je bossais, il était envahissant. Incroyablement envahissant. On n'était pas compatibles et je fus même surprise de tenir autant de temps avant de se foutre sur la gueule. Non, il ne mettait pas ses affaires partout. Mais... Putain vous imaginez, il mettait l'eau avant le dentifrice ! Heureusement qu'il ne mettait pas l'eau après les pattes.
Il nous arrivait de sortir quand j'avais le temps. On traînait par-ci par-là dans la ville, mais principalement dans les bars. Un soir, on se mit minable au point de vomir dans le caniveau. Il était mort de rire alors que c'était à mon tour de fixer mon petit-déjeuner en me demandant ce qu'il foutait là. Je lui demandai ce qu'il trouvait drôle d'une façon plutôt... Agressive.
« -On est misérable, c'est ce qui me fait marrer. » M'a-t-il répondu. « On a juste l'air de deux cons qui bousillent leur vie. Je m'imagine ce que doivent penser les types qui nous regardent et j'trouve ça ironique. »
Il était bourré, mais je me demandai quand même s'il n'y avait pas un peu de vrai.
Il faut que vous comprenez un truc, journaliste ou pas. Il y a un mot qui me décrivait et un qui le décrivait. J'étais agressive. Il me le répétait à longueur de journée, et plus encore quand je transformais son visage en lasagne bolognaise. Lui, c'était chelou. Il avait des périodes où il se marrait pour rien, il avait même un comportement de gamin et cherchait juste à me rendre folle. Et d'autres... Il mettait ses mains dans ses poches et n'ouvrait plus la bouche. J'avais beau lui demander cent fois si ça allait, il me lançait son pauvre t'inquiète et je pouvais aller me faire foutre. C'était dans ces moments qu'il fumait, les yeux perdus dans le ciel. Un jour, dans un de ces délires fous, il laissa échapper quelques confessions que je n'aurais jamais voulu savoir. J'étais à ses côtés, on partageait la fin de tabac acheté en début de semaine et il avait enfin accepté le café que je m'étais acharnée à lui proposer. Il m'avoua ne pas être heureux. J'avais remarqué, t'es pas heureux quand tu te défonce la gueule à la Choufe à son âge. Son problème, c'est qu'il savait pourquoi.
Ça faisait deux ans qu'il était comme ça. Qu'il écumait le lit des demoiselles pour rester en vie. La première année, il était resté dans son petit appartement perdu. Il descendait dans le centre-ville à chaque fois que les blessures revenaient, se trouvait une chienne pas farouche et se soignait illico-presto. Une vie qui n'allait ni à sa copine, ni à lui-même. Au bout de cette année épuisante, il lâcha sa compagne, prit son sac et partit à pied. Où ? Il n'avait aucune idée. Il oublia Ophélie son amie d'enfance, Lancy sa copine d'étude et moi, évidemment. Il ne répondait plus au téléphone, il disparut tout simplement. Même ses grands-parents n'avaient plus de nouvelles de lui, ces mêmes personnes qui avaient avalé la mort de leur fille pour lui offrir ce qu'il avait aujourd'hui. Il refit surface, un jour, comme ça en claquant des doigts. Il avait trouvé un objectif dans sa putain de vie. Pas trop tôt hein ? Cette nuit-là, il m'avoua pourquoi il avait besoin de moi. Il cherchait du courage pour accomplir sa tâche, pour réussir à retrouver cette fille.

Son but ? Vous voulez savoir son but ? Putain de merde, je ne sais pas si ça va vous aider pour le procès. J'aimerais vous dire que c'était baiser 69 pucelle pour se la péter lors des soirées. Mais...Il avait besoin de tuer quelqu'un. Quand je vous disais que j'aurais préféré ne pas le savoir. Je voulus l'en empêcher, lui faire effacer cette idée de sa caboche. Mais il en avait rien à faire des policiers. La force qu'il récupérait à chaque pénétration ça lui montait à la tête, ce n'était pas possible autrement. Quand on s'était quittés, il n'était pas aussi con que ça. Mais ce soir-là, assis au bord de ma fenêtre, il avait bien l'air sincère. Incapable de raisonner.
Non ! Ce n'était pas pour ça qu'on s'était battus. Il me proposa un plan à trois et je refusai. J'avais quelqu'un à la maison ce soir-là, un jolie garçon un peu plus excentrique que Raphaël, mais avec la folie en moins. Je ne voulais pas m'enfoncer dans l'une de ces conneries encore une fois alors que j'avais de quoi me trouver une relation stable. Quelque chose qu'il n'était pas prêt d'avoir avec le rythme de sa vie. Enfin bref, ça s'était plutôt bien passé pour moi et forcement, je ramenai mon rencard chez moi. Il n'était pas fou, mais au moins il s'occupait de moi. On était dans le couloir quand il commença à passer ses mains sous mon tee-shirt. Je lui demandai d'attendre qu'on soit à l'intérieur, mais c'était plus fort que lui. Et ouais, ça m'excitait aussi de faire ça devant les caméras du couloir. Ma proprio m'incendia le lendemain, mais qu'importe. Le fait est que lorsque je tournai la poignée de la porte, j'étais déjà à moitié nue. Je n'eus qu'à lancer mon pantalon sur le canapé pour me retrouver en sous-vêtements. Mais quand mon partenaire me fit glisser sur le siège, je tombai sur un truc plus mou que du cuir.
Il était là le con ! Je lui avais dis de partir, je l'avais prévenu et tout comme une bonne colloc' et je le retrouve en train de refaire le paillasson d'une pouffe aux cheveux blonds. Il était complètement nu lorsqu'il se releva et ne sembla même pas être effrayé par mon visage de démone. Il osa même s'essuyer les lèvres du dos de sa main, ce gros... Ah ! Je commençai par attraper le bras et les affaires de sa petite chatte et de les tirer hors de chez moi.
« -Il t'a dis que c'était chez lui ? »
« -N-Non »
« -Ah ! Bah tant mieux, au plaisir. » Ai-je dis avant de fermer la porte. « Tu m'expliques putain ! »
Ma compagnon était perdu, ne savait plus où se mettre et proposa même de laisser mon appart' à ce parasite et de faire ça chez lui. Il en était hors de question ! C'était plus qu'une question de sexe, c'était une question d'honneur ! Je lui remontai les bretelles alors qu'il prenait son air de victime, les mains levées pour bien me faire comprendre qu'il ne cacherait pas son serpentin. Il s'excusait, mais comme un enfant insolent. Il n'y avait rien de vrai derrière ces « ça ne se reproduira pas » et le ton qu'il employait me fit vite comprendre qu'il l'avait fait exprès. Juste. Pour. Me. Faire. Chier. Alors je lui collai mon poing sur la gueule. Il revint vers moi comme un ressort, prêt à répliquer. Il s'arrêta cependant en plein geste.

Je n'ai pas besoin de chevalier servant, je suis pas ce genre de femme. Mais mon partenaire se sentit alors emplit d'une mission de protection incroyable. Il se jeta entre lui et moi. Grosse erreur, parce que Raphaël n'en a rien à foutre des gens qu'il ne connaît pas. Alors évidemment, il lui explosa le poignet dans une violente clé de bras. Par réflexe, je me jetai sur son dos et posai mes bras pour ceinturer sa gorge. J'essayai de l'étouffer, mais il avait une force indécente. Il empoigna les attaches de mon soutien-gorge et me souleva comme une grue l'aurait fait avec un rouleau de PQ. Il me jeta sur le sol. Le second homme voulut intervenir de nouveau, mais se prit un coup de pied qui le coucha pour la nuit. J'ai pu dire adieu à mon orgasme.
Il ne s'attendait pas à ce que je le charge. Je le sentis faiblir au-dessus de moi alors je le fis glisser jusqu'à la cuisinière où il se fracassa le dos. J'imaginai sa colonne vertébrale en miette pendant que je l'attrapai par le col pour le tirer jusqu'à la fenêtre. J'étais au courant de son histoire de force et vitesse inhumaines. Mais là, il n'était clairement pas capable de soulever une voiture. C'était comme s'il n'était même pas apte à m'attraper comme il l'avait fait quelques secondes plus tôt. Il fut sonné quelques secondes au point de laisser sa garde baissée. Une chassée en pleine poitrine et il passa par la fenêtre. J'entendis un bruit, son corps heurtant violemment le sol. Et pourtant, pas un cri de douleur. J'osai jeter mon regard sur lui. Il se relevait difficilement, seul et nu au milieu du trottoir, éclairé par la lumière d'un lampadaire dysfonctionnel. Il était plein de sang et s'en fichait complètement. Il me rendit mon regard, complètement neutre. Si je m'étais excusée et que je serais allé le voir, il m'aurait pardonné aussi sec. Il semblait n'en avoir rien à faire. Mais il était hors de question que je m'inquiète pour cette obsédé !

Si j'ai des regrets ? Je vous aiderais si j'en avais. Il est hors de question que je témoigne en sa faveur. Pourquoi ? Pour qu'il croit que je me sens redevable ?
Franchement, vous pouvez être offusqués mais... Je sais qu'il mérite une sanction. Pas pour ce qu'il m'a fait personnellement, mais ce n'est pas un homme bien. Pas lui. Je l'aidais parce que c'était mon ami. On oublie les mauvais côtés quand on regarde ses amis, on les soutient parce qu'on les aime et c'est tout. Mais objectivement, détachée de son influence, je sais qu'il mérite la prison. Clairement pas pour agression sexuelle puisqu'il n'a jamais violé personne. Mais pour quelque chose comme tentative de meurtre ou coup et blessures.

VI – Levé de rideau

Je savais que vous viendriez. Je ne savais pas quand, je ne connais pas toutes les conquêtes de Raphaël, mais je suis le début de tout. Enfin, ma sœur l'est à vrai dire. Mais j'ai joué dans son jeu perfide. Ça fait un moment que je ne la vois plus, je ne pourrais pas vous aider. Mais je vais vous dire pourquoi vous devez la trouver. Tout ce que je demande, c'est que vous ne me preniez pas pour une folle et que vous sauviez Raphaël. Je ne sais pas si c'est un homme bon ou pas, je ne sais pas s'il mérite la prison ou pas, mais ce n'est pas de sa faute s'il est comme ça. Je pense... J'aurais fais pareil à sa place. Faire l'amour est la seule façon qu'il a de survivre. Pour ça il passe pour un pervers et plonge peu à peu dans des histoires horribles sans n'avoir jamais rien demandé. Et même s'il y a des problèmes plus bouleversants que sa pauvre petite vie, elle mérite d'être sauvée. Ça fait déjà deux ans que je n'ai l'ai plus vu. Après qu'on ait fait l'amour, il a disparu et n'est jamais revenu. Il m'a envoyé une carte postal un jour, de corse. Elle était remplie d'excuses, alourdie par la honte d'avoir touché une fille qui a cinq ans de moins que lui. Je ne lui en veux pas, je ne lui en tiens pas rigueur. Mais il n'a jamais pu se le pardonner.
Lui et ma sœur était très proche. Je ne sais pas s'ils étaient... Ensembles, mais ils traînaient souvent au même endroit. Ils faisaient les mêmes choses, appréciaient les mêmes trucs et même quand ils avaient un conflit, ils arrivaient toujours à s'accorder sur un détail pour en faire un pièce plus belle. Ils se connaissaient depuis un moment déjà, depuis l'enfance si je me souviens bien. Je ne me rappelle pas une époque où il ne venait pas passer ses après-midi dans le salon. Ils jouaient aux petites voitures, puis à l'ordinateur, puis à qui bois le mieux. Ils s'étaient éloignés pendant les grandes études, mais les lettres et les SMS avaient fait tenir le pont de leur amitié. Il ne tomba jamais dans le fleuve de l'oubli. J'étais presque jalouse de leur relation, mais ça me faisait plaisir que ma sœur ait quelqu'un pour se confier comme ça. Il était partout où elle allait, comme son ombre mais prêt à la protéger. Il aurait volé la lune, il aurait condamné la planète entière pour elle. Mais ce n'était pas son cas à elle, alors il se contenta d'une bière ou deux le samedi après-midi. Ils nourrissaient une haine envers le monde, lui plus qu'elle, mais ils se conjuguaient toujours être en guerre contre quelqu'un.

Sauf qu'un jour, je croisai Syra en train de pleurer. Seule dans sa chambre, les mains sur ses yeux pour se cacher de moi. La famille n'était pas un mot en l'air pour nous, alors ce fut simple de la faire se confier. C'était le jour où ils s'étaient séparés. Elle lui avait fait du mal et il était parti. Ils ne se parlaient plus pour se protéger. Elle était triste, mais c'était passager. Si ça pouvait l'épargner d'un futur compliqué, ça me faisait plaisir qu'elle prenne cette décision d'elle-même. Je lui donnai même les coordonnées d'un garçon à son goût que je connaissais pour l'aider à oublier cette histoire. Elle était assez grande pour s'occuper d'elle, je ne lui donnais que des outils pour l'aider.
Mais c'était plus compliqué que ça. Elle lui avait fait du mal, mais pas en le rejetant du nouveau ou en le frappant. Franchement, j'ai encore du mal à y croire mais... Après tout ce que les journaux racontent, je change peu à peu d'avis. À l'époque, Syra s'amusait à tirer les cartes. Elle faisait du tarot avec ses amis et rigolait bien quand ce qu'elle prédisait se produisait. Ce n'étaient que de vastes blagues, un passe temps pour rire comme un UNO ou un Président. Sauf qu'elle m'expliqua vaguement qu'elle avait trouvé le moyen de rendre ces choses réelles. Un paquet spécial qu'elle avait trouvé après une après-midi de parkour créait toutes les solutions qu'elle tirait. Ce n'était pas des prévisions, c'était elle qui créait le destin. Enfin, c'était plus le destin selon moi mais elle était pleine de culpabilité. Ça vous paraît fou à vous aussi ? Ah, je suis pas folle alors. Mais si Raphaël est capable de soulever une voiture à bout de bras, ce n'est pas si stupide de penser Syra capable de faire ça ?
Je ne vis pas qu'elle ce soir-là. Seule à la fenêtre, perturbée par l'état de ma moitié, je fixai le ciel sans comprendre. Dans un sens, je crois que je m'enviais. Je ne voulais pas être à sa place, souffrir comme ça je ne le supporterais pas. Il y en avait un autre qui souffrait, et il était juste en-bas dans le jardin. Je vous promets, en baissant les yeux je vis Raphaël traîner autour de la maison. Je voulus appeler la police, évidemment, mais son état m'inquiéta bien plus. Il était plein de sang en train de ramper dans les orties qui protégeaient les rosiers de maman. Je me précipitai dans les escaliers, pas trop pour ne pas alerter les dormeuses. J'ouvris la porte, certaine qu'il n'aurait pas la force d'entrer. Il me vit, levant ses yeux injectés de sang pour me voir dans une brume rouge. Sûrement. Il força sur ses jambes, sur ses bras et même sur son front pour essayer de retrouver le confort de ses pieds. Mais rien n'y faisait, il continuait de mordre la poussière. Je n'osais pas avancer ! Il semblait souffrir, je voyais son cœur frapper contre sa poitrine, si fort qu'il créait un violent choc qui parcourait son corps. Mais dans un autre sens, il était terrifiant ! Il ne faisait pas de bruit, il avait juste les dents serrés pour avaler les litres de sang et de douleur qui s'écoulait de lui. À tout moment, il aurait pu venir m'étrangler et je n'aurais pas été assez rapide pour hurler. Quand il réussit à se lever, j'eus presque le réflexe d'entrer dans la maison. Je le fis quand il marcha vers moi, je fermai la porte et quand je vis son pied dans l'encadrement de la porte je me préparai à hurler. Mais plus rien. Il s'écrasa sur le pallier, vautré entre le paillasson et le tapis du hall.

Le reste... Est difficile à décrire. En gros, je me suis baissée pour vérifier son état et il se précipita sur moi dans un dernier effort. Il me fit tombée et je lâchai un petit gémissement. D’origine assez puissante pour réveiller ma famille, il ne le fit pas. Et quand je compris ce qu'il voulait, je me suis laissée faire. Pourquoi ? Ça me paraît fou mais... Plus il m'embrassait, plus ses plaies se refermaient. Il voulut aller plus loin que de pauvres baisers dans le cou, mais je l'empêchai. Résultat, ses hémorragies reprirent presque aussitôt. Ça me dégoûtait de faire ça avec tout ce sang... Mais ça valut le coup. De toute façon j'avais l'âge et ce n'était pas ma première fois hein. C'était... Bizarre. J'avais l'impression qu'il me prenait pour ma sœur, me susurrant des choses déplacées pour un petit écart sur le tapis du hall.
Il voulut aussitôt remis sur pieds. La maison le mettait mal à l'aise, surtout après m'avoir... Vous savez bien. Sauf que je lui offris le café. Avec toutes les discussions que j'avais entendu entre lui et ma sœur, je connaissais son point faible. Cette boisson chaude qu'il aimait sucrer avec du Malibu avait une puissante tension sexuelle pour lui. Avant, pendant, après, c'était quelque chose d'inconcevable pour lui. Dans le bon sens je veux dire ! Je lui tendis la tasse, mais il la serra si fort qu'il la brisa. Nous fûmes tout deux surpris, mais je préférai le faire fuir. Ça, ça avait réveillé quelqu'un. Ma mère a le sommeil d'un mort, alors en entendant les chaussons Totoro de ma sœur, je le fis s'évader au plus vite.
« -Bleu ? » Chuchota-t-elle du haut des escaliers. « Qu'est-ce que- »
« -Excuse moi, je voulais du café et... »
« -À cette heure-là ? Tu deviens folle ma pauvre. »
Elle voulut remonter, mais je l'ai retenue pour parler quelques minutes.
« -Et toi ? Tu vas bien ? »
« -Tu ne t'inquiètes pas pour moi d'habitude. Qu'est-ce qui te prends ? »
« -Je t'ai trouvée en larmes deux heures plus tôt, et vu la difficulté que tu avais pour respirer, ce n'était pas rien. Je veux savoir si tu vas mieux. »
« -Un peu. Te voir t'occuper de moi, ça m'aide merci. »
« -Tu veux en parler ? Maman dort comme un ours et... Et bien on a tout le temps qu'il nous faut. Tu veux du café ? »
« -Non. » Répondit-elle sèchement en descendant les escaliers. « Non pas de café. Fais moi un thé. »
Elle s'assit alors à la table et nous parlâmes. Je ne vais pas vous révéler ce qu'elle m'a dis mais... Elle regrettait d'avoir joué avec sa vie. Elle ne savait pas encore à quel point elle avait juste. Alors que le soleil pointait le début de son nez dans de timides rayons oranges et que nos bouches s'ouvraient pour cracher les bâillements que nous ne reconnaissions pas, elle se leva enfin.
« -Je crois que je vais contacter ton ami Henri. J'ai besoin de décompresser un peu après cette tempête. Tu gères Bleu, changes pas. »
Elle commença à retourner dans sa chambre, mais je fus de nouveau le poids qui la retint. Juste trente secondes de plus, rien d'important.
« -Tu sais, tu dois bien faire ta vie. »
« -Je sais. J'ai juste l'impression... D'avoir infecté la sienne. Foutu histoire hein ? C'est du passé de toute façon, je suis fatigué, je vais dormir. »

Je ne comprends rien à ce qui se passe. Ou plutôt, je ne veux rien comprendre de ce qui se passe. Ces histoires ont deux ans, je ne pensais pas qu'elles remonteraient maintenant. Syra a déménagé, elle vit avec Henri et un tout jeune garçon dans une maison à Lyon. Elle a réussi à oublier cette page sombre de son passé, j'espère que rien ne va remonter lui gicler à la figure. Quand à Raphaël, je n'aimerais pas le voir inculpé. Il n'est pas coupable. Mais... Le voir derrière les barreaux me rassurerait, rien que pour ma sœur.
VI – Levé de rideau

Henri, occupes-toi de Jason quelques minutes, il y a quelqu'un à la porte. Bonjour, je peux vous aider ?
Oh... C'est pour cette histoire. Je veux bien voir faire un thé pour vous soigner de la route que vous venez de faire. Mais je ne dirais rien à propos de Raphaël. Je ne témoignerais pas en sa faveur et... J'espère que vous perdrez le procès. C'est du passé cette histoire, je ne veux plus en entendre parler. Alors s'il vous plaît, parler moi d'autre chose. Est-ce que Bleu va bien ? Elle s'inquiète tellement pour les autres, elle s'oublie quelques fois. Votre passage a dû lui créer d'autres boutons de stresse.
Si vous insistez, je ne dirais qu'une chose. Raphaël et moi n'avons jamais été ensemble. À vrai dire, il m'a approché parce que j'étais la seule fille de l'école. Au lycée, il a tenté sa chance mais j'ai refusé. C'était mon ami, par mon amant. On est restés comme ça, ça nous allait très bien. J'ai fais une connerie monumentale et ça lui a fait du mal. C'est tout. Je n'ai rien d'autre à vous dire. Si ça l'enchante de baiser n'importe quel pimbêche pour essayer de me rendre jalouse, qu'il continue. J'ai une vie stable, une belle maison et une famille, ses actions de mâle en chaleur ne m'intéressent plus.

VII – Post-scriptum

Debout devant la haie qui encadrait la grande maison, il la fixait avec envie alors que son poing se fermait sous le coup de la colère. Une farandole de sentiment créait une tempête dans son corps, la même qui l'avait fait sauter comme un poisson devant la porte de Bleu. Il se rappelait de ça aisément, n'ayant pas la capacité de laisser ça au passé. Il fit un pas, puis un autre, motivé par un élan meurtrier qu'il nourrissait depuis quelques mois. Une fois que ses chaussures aux pointes d'aciers traversèrent la ligne imaginaire de la propriété privée, ses poumons prirent une grande bouffée d'air comme si c'était du poison. Espérant ne pas être capable d'expirer, il fut déçu. Une déception à la hauteur de son état parcourant ses jambes fébriles, il trouva néanmoins la force de marcher jusqu'à la porte d'entrée. Mains dans les poches, il tira une cigarette qu'il pinça avec ses lèvres. Il ne l'alluma pas, conscient de la suite des événements. Avant de frapper, il jeta un regard aux alentours comme pour regarder une dernière fois cette scène stupide dans laquelle il jouait. Le dernier modèle d'une Audi lavée à la brosse à dent le narguait à quelques pas de là. Elle était alliée à une moto resplendissante qui réveillait sa jalousie. Un bruit d'eau attira son attention. Il vogua un peu atour de la maison. Sa marche le mena jusqu'aux bords d'une piscine remplie d'une eau incroyablement clair. Une bouée en forme de girafe se battait avec un petit canard en plastique alors que le philtre créait un courant pour leur montrer le chemin. Il y avait des fleurs et des plantes tout autour de lui, menant jusqu'à une véranda donnant sur la cuisine. Sur la petite place en pierre faite main, il y avait une table et des chaises de jardin qui faisaient les fiers à côtés d'un barbecue hors de prix. Tout ce petit tableau était vivant, animé par un petit garçon qui ne voulait pas se sécher. Il était poursuivi par son père pendant que sa mère lisait tranquillement sur le côté. Sa présence les fit paniquer, seul il fit naître dans le père une envie de violence par pur réflexe défensif. Mais sa compagne était plus intelligente que lui.

Le soleil était loin dans le ciel, caché derrière d'épais nuage alors que sa lumière mourante disparaissait. La lune prenait peu à peu sa place et même si l'été aidait à retarder ce moment, il ne lui restait sans doute qu'une heure à vivre. Une odeur flottait dans l'air, un mélange de fleur qui l'aurait charmé s'il n'était pas aveugle. Syra s'était levée et avait demandé à sa petite famille naissante de partir pour le restaurant. Oui, elle le connaissait et son mari ne posa pas plus de questions. Le petit Jason semblait heureux d'aller à la Brasserie George avant de traîner dans le parc. Son père partit beaucoup moins serein. Il faisait confiance à sa compagne, il lui rappela simplement dans un chuchotement complice qu'il y avait toujours le revolver dans le tiroir de la cuisine. Elle se tourna vers Raphaël, un mélange étrange bouillonnant dans la marmite qu'était son cœur. Il y avait la peur, la connaissance des pouvoirs qu'elle lui avait donné et les dégâts qu'ils pouvaient faire dans un corps aussi fou que le sien. Il y avait l'amour, celui qu'elle portait envers son mari et son jeune petit qui avait ses beaux yeux d'émeraudes. Il y avait la colère de le voir se tenir là, au milieu de sa propriété alors qu'elle avait refait sa vie. Et enfin, il y avait le bonheur. La joie de le revoir. Ce sentiment gagna contre les autres, lui inspira un petit sourire faiblard et la poussa à dire ces quelques mots, mal à l'aise :
« -Tu t'es échappé ? Ça n'a pas dû être facile, prends une chaise voyons. »
Il avait tant voyager que le confort de sa chaise ne le chamboula même pas. Il avait les sourcils froncés, conscient qu'elle essayait de le domestiquer. Elle voyait sur sa peau la faim et la soif suinter au bord de sa peau. Par gentillesse, elle lui offrit une assiette de pattes et un grand verre d'Ice Tea avec des glaçons. Quand il eut finit de se substanter, elle déposa même un thé à la cannelle devant lui. Cette odeur sut faire ce que la chaise n'avait pas réussi. Elle le toucha, laissant sa main tendue paralysée par le coup que son cœur venait d'encaisser. Il restait ainsi, bloqué comme une statue, pendant une longue minute de méditation. Et quand il referma la main, ce fut sur un vide lourd de sens. Son visage était déformé par la colère et il cracha ces mots sans se retenir, bas et glacial comme jamais il ne l'avait été avec elle :
« -Qu'est-ce que tu fais ? »
Elle s'assit sur sa chaise, laissant son livre de côté pour croiser les bras et les jambes. Elle était d'un calme tendu, mal à l'aise à cause de ses retrouvailles sérieuses. Elle lui répondit avec la plus grande bienveillance, poussée à l'espoir par la vision d'une fin heureuse.
« -Je te montre comment je pourrais t'accueillir demain. »
À cette réponse, comme un joueur d'échec persuadé d'avoir gagné, il prit le risque d'avancer la main pour s'emparer du thé. Il le but d'une traite malgré la chaleur et il laissa cette terrible brûlure s'étendre dans sa gorge. Il aurait préféré du café, il aurait voulu le lui dire mais Ô à quel point c'était déplacé. Ses yeux la visualisaient bien avec la profonde envie de la caresser, de la retrouver sous toutes ses coutures avec la perversité rare qu'il avait bafoué avec tant d'autres. Il reposa la tasse, cherchant des mots qu'il était capable d’épeler. Chaque phrase que ses lèvres entrouvertes essayaient de former restaient coincées dans sa gorge. Elle lui proposa une nouvelle boisson, voyant à quel point il avait du mal à ramper jusqu'à son but ultime.
« -Ce soir, je vais t'assassiner. »

Il lança un froid. Un blizzard qui la poussa à s'emparer de la tasse de thé vide. Elle s'abrita dans la cuisine, lavant la vaisselle que Raphaël avait souillé. Et quand sa silhouette rejoignit son meurtrier, elle avait un vieux six coups dans les mains. Un pistolet noir qu'elle admira avant de laisser tomber le long de son corps.
« -Tu vas te défendre ? »
« -Tu t'attendais à autre chose ? » S'offusqua-t-elle alors. « J'ai oublié toutes ces histoires Raphaël. J'ai un mari qui m'aime sans me faire de mal, j'ai un petit garçon, une belle maison, je suis enfin heureuse. Alors non, je n'ai pas envie de mourir. »
Elle reprit place autour de la table, ne le quittant pas du regard. Elle tira de sa poche un paquet de carte, un tarot qu'elle commença à mélanger fébrilement. Ses yeux meurtriers la regardaient et se rendaient compte qu'elle avait perdu son mordant. Deux ans plus tôt, elle n'aurait pas hésité à lui planter un couteau dans la main. Une fois prête, elle fit glisser la première carte du paquet jusqu'à lui. Il la prit pour voir ce que c'était, gardant le secret loin d'elle. Il l'abattit finalement : Le Jugement. Quand elle prit la sienne, elle ne fit pas autant d'histoires : La Grande Prêtresse. Elle aligna six cartes devant elle, trois de son côté et trois sur celui de Raphaël. Elles étaient face cachées, dissimulant fourbement le destin des deux duellistes. Elle ne tremblait pas encore, mais ses yeux ne savaient où se poser. C'était comme s'ils avaient peur d'être avalé par la vérité tapis derrière les cartes. Et quand elle eut le pulsion de courage nécessaire pour retourner la première, elle fut bouleversée de voir l'Impératrice. Elle déglutit difficilement, cette grande dame blanche debout sur la lame l'attrapant à la gorge. La surprise était du côté de Raphaël, voyant à quel point elle ne s'attendait pas à voir cette figure de son côté. Elle fut soutenue par la présence de la Tour. Dans le bon sens, ça ne rajoutait qu'une poignée de sucre dans le mixture qu'elle lui tirait. Toutes les pièces du puzzle qu'elle illuminait semblaient se retourner contre elle. Surtout lorsqu'elle tira l’Étoile pour conclure cette vision du futur. Elle ne fut pas paralysée par la terreur, bien que son corps tout entier fut secoué à la vision de ce tirage. Elle perdit l'envie de retourner les siennes. Elle s'écroula simplement au fond de sa chaise sans savoir comment survivre.
« -À croire que le sort est de ton côté cette fois. »
« -T'as fais ton temps Syra. Tu n'y peux rien. »

Son manque d'humilité était le coup de burin qui planta le pieux froid de la mort sur la source de sa colère. Syra n'acceptait pas de mourir face à un homme si sûr de lui. Par ce comportement, il roulait son esprit dans la poussière et disparaître d'une façon si insultante lui laissait un goût amer dans la gorge. Elle ne prévint pas, ne serait-ce que d'une expression, quand elle se leva. Elle pointa son pistolet sur lui. Il n'eut pas le temps de réagir. Le coup partit, la balle transperça l'os de sa cage thoracique et son corps blessé eut un réflexe étrange avant de se laisser glisser sur la chaise. L'Impératrice, la Tour et l'Étoile, elles avaient toutes les trois menti. Elle en était persuadée en sentant l'odeur de la fumée blanche de son arme monter dans ses narines. Elle fixait, tressaillante, le corps qu'elle devait maintenant enterrer.
Elle sortit la pelle du garage, l'amenant tragiquement jusqu'au jardin. Elle sentait son poids hyperbolique s'affaisser sur ses épaules alors que ses souvenirs lui imposaient ce que ses yeux fuyaient à présent. La nuit était naissante, à peine plus épaisse qu'une couche de soie magenta. Pourtant, elle était tâchée d'ignobles marques que causait la terre qu'elle creusait. Chaque trou était un nouvel impact sur le mur menant à son cœur. Et quand la fosse fut assez grande pour accueillir son ami, elle avait déjà pleuré les larmes qu'elle gardait pour lui.

Est-ce vraiment une fin plausible ? Un homme comme Raphaël pouvait-il vraiment être abattu d'une simple balle ? Aux côtés de Max, il a soulevé une voiture à bout de bras, Erika l'a jeté du troisième étage d'un immeuble et il en est sorti indemne. Il sortait de retrouvailles chaleureuses avec Ophélie et était prêt à en découdre. Lorsque Syra jeta le cadavre du garçon dans la fausse fraîchement creusée, elle s'attendait à le cacher sous un mètre de terre. Mais la première jetée le réveilla, lui et toutes les pulsions sanglantes qui l'animaient. Ce qui semblait être un désir de vengeance était plus profond que ça. Un mal que personne n'aurait su soigner. Raphaël voulait oublier son passé, l'éradiquer parce qu'il le hantait. Les bons souvenirs à ses côtés, mais aussi les mauvais desquels il se moquait régulièrement. Revoyant le jolie minois d'une amie d'enfance, d'une pote du lycée, d'une collègue d'université, de la sœur d'une obsession et la femme même qui avait fait tourner son soleil, c'était aussi horrible que de vivre le même jour à l'infini. Il devenait un vieux disque rayé qui répétait inlassablement la même phrase, attendant qu'une main énervée nettoie la tâche qui le dévisageait. Il en avait eu marre, il avait pris son destin en main, et la vie de ceux qu'il avait croisé.
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