Le Petit Livre
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Alban et Drake Empty Alban et Drake

Mer 19 Sep - 19:59
Mes fantasmes sont condamnés à rester des fantasmes
Ce fut ce qu'il pensa quand la porte se claqua sous son nez. Alban était quelqu'un de naturellement joyeux, peut-être un peu enfantin malgré son âge, mais sa présence était toujours très appréciée. Il n'avait aucune animosité, au contraire. Même ses pulsions secrètes étaient plus simples comparées à d'autres fous. Était-il une personne intéressante ? Cela dépendait de son humeur. Alban était quelqu'un de faible, physiquement comme mentalement. Il ne se défendait qu'en criant, trait de sa personnalité qui était devenue commune à ses habitudes. C'était pour ça qu'il ne quittait jamais son alter ego. Drake, il le connaissait depuis la maternelle et cette énergumène d'une grande violence le protégeait de tous les dangers. Ne connaissant que la colère et l'aigreur, il était comme possédé par une haine viscérale de tous les petits détails qui embêtaient Alban. Il était toujours là pour le sortir du danger, il l'avait sauvé tellement de fois que même lors de ce soir tragique, il était à ses côtés. Il n'avait jamais donné de bons conseils, il n'était même pas efficace pour remonter le moral. Mais les paroles crues qu'il savait former sonnaient comme une symphonie à ses oreilles ce soir-là. Il ne tarissait jamais d'insultes ou d'adjectifs graveleux pour la décrire. Pourtant, tout ça était comme le baume qu'Alban avait désespérément besoin.

Il leva sa main pour toquer à la porte, mais il ne pouvait s'empêcher de regarder cette présence envahissante. Ses yeux rouges lui faisaient comprendre que ce qu'il faisait n'était pas apprécié et ses sourcils broussailleux lui lançaient le regard le plus noir. Ils furent suivis d'un haussement d'épaule qui fit tomber la cigarette qu'il pinçait auparavant sans qu'il ne la regrette. Il siffla ces quelques mots avec un ton ahurissant de dégoût. Si tu tiens si peu à tes couilles, tu peux toujours ramper à ses pieds. Son discours l'avait touché et sut le forcer à baisser le bras. Il continuait à parler de personne qui l'avait très bien vécu et les résonnantes moqueries que ses cordes vocales savaient jouer marquaient au fer rouge l'âme de son double. Il avait tant besoin de silence pour penser, mais comment faire taire toutes ces phrases vulgaires aussi agréables qu'un baiser dans le cou. Son imagination voguait doucement vers une magnifique silhouette, mais la main de Drake le ramena sur terre. Il avait envie d'être écouté pour une fois, alors il beugla ces mots : Elle t'a laissé comme un chien sous la pluie. Et chien, c'est le bon terme hein ?

Alban, sans rien dire, entama la marche pour retourner chez lui. En effet, le ciel était contrarié ce soir-là et la pluie s'acharnait sur les passants pourtant si nombreux. Pendant une longue demi-heure, ses cheveux s'humidifiaient progressivement. La rue qu'ils traversaient était bien éclairée et bien que les odeurs de nourriture étaient toutes appétissantes, aucune n'arrivait à faire lever sa tête de dépressif. Même les envies de combat de Drake face aux bénévoles du Sidaction ne le faisaient pas sourire. Il avait juste envie d'être sous un toit familier, un toit qui ne risquait pas de s'écraser sur lui. Drake n'arrêtait pas de parler, il n'y arrivait pas. Une telle situation créait un feu dans sa poitrine qui excitait sa gorge et ses poings. Et ce qui était un appréciable soutien devint un running gag épuisant. Pour faire taire cette puce énervée, Alban ouvrit la bouche pour une question qui le touchait autant que lui : Je ne comprends pas, je n'y arrive pas. Et cette incompréhension attisa le flot de son ombre : T'es con aussi non ? Toutes relations tournent autour du cul, depuis quand t'as cru que trois mois d'abstinence se justifiaient par un mal de crâne ? C'était suffisant, mais Drake ne semblait pas réussir à stopper ses paroles. Quelques fois, retourner le couteau dans la plaie était pourtant la meilleure solution.

Il ouvrit la porte de son appartement, mais aucun de ces murs familiers mendiaient sa présence. Chaque petit détail lui rappelait sa magnifique silhouette. Il la voyait sur le lit, sur le canapé, contre le bureau ou le mur, dans la salle de bain ou dans les toilettes. Jamais elle ne le laissait respirer, et si jamais il faisait l'erreur de se tourner, derrière lui son homologue lui faisait un sourire cynique tellement il était énervé par son comportement de victime. Mais il ne pouvait abandonner Drake, alors il préféra subir sa présence sans celle de cette muse pervertie. Il referma la porte, mais c'était trop tard. Il était pétrifié, incapable de traverser de nouveau le couloir. Il se laissa glisser contre le bois, la tête encadrée dans ses bras impuissants. Une mélodie grinçait dans son esprit, une prod trop forte, une mélodie trop intense. Quelque chose qui le faisait crier, qui lui faisait frapper le mur, le poussant à lancer sa chaussure sur cette saloperie de caméra. Il avait beau se frotter les yeux, la seule existence qui ne le laissait pas était la grande taille de Drake. Ses mots étaient encore un piètre soutien, mais il n'avait besoin que de cette proposition : Fini d'écouter des musiques où il parle de ça pour te faire bander, on va dans un endroit où ces lyrics vont devenir des putains de réalités.

Il laissa son col se faire soulever sans gêne. Il ne se débattait pas, donc il n'y avait aucune difficulté à le traîner en dehors du bâtiment. Il pleuvait toujours, mais rien ne l'empêchait de le tracter. La mauvaise foi d'Alban disparut alors que le délicieux parfum de femme emplissait la rue où ils progressaient. Il fut envoûté par ces saveurs inconnues, même si un filet de nostalgie lui rappelait un temps ancien où une peau fragile se tendait entre ses bras dans un élan humide. Drake n'avait rien de ce côté agréable, de ce côté rétrospectif, concentré sur l'entrée rose et violette de l'établissement. Le videur le connaissait et les trois filles s'enroulant autour des barres de fer lui offrirent une petite caresse à son passage. Les yeux de son double se perdaient partout dans la salle, sur les fesses trop rondes et celles pas assez épaisses, sur les clients ingrats et ceux qui étaient gênés, mais c'était bien les mouvements d'une poitrine généreuse qui amena ses mains à bouger. Il avait envie de tous ces plaisirs. Sa force était cependant piétinée par la détermination de son alter ego. Lui qui ne cessait de répéter : Ce ne sont que des salopes sans importance. Si tu veux les toucher, autant ravaler tes burnes et retourner auprès de ta pétasse. Je t'emmène là où tout ce que tu désires se réalise. Et Alban ne pouvait faire autrement que de le croire. Il était si confiant, il lui donnait tant d'espoir qu'il ignorait les loges qu'ils traversaient. Même les escaliers ne surent les arrêter, et les lumières magenta souffrirent d'une machination. Elles les éclairèrent d'un jaune agréable. Un jaune qui l'emplissait profondément de bonheur.

Fais bien gaffe petit con. Ici c'est pas la cour du lycée, les femmes dans ces chambres vont te manger. Ne fais attention ni à leurs apparences, ni à leurs comportements. Entre et fais tes affaires, sinon tu survivras pas longtemps. Tu trouveras de tout, ne laisse pas ta raison faire sa putain de loi. Tu peux avoir tout ce que tu veux, tes fantasmes ne sont plus limités maintenant. Je pourrais t'expliquer en détail tout ce que c'est et te dire quelle sont les meilleures portes, mais ce serait pas drôle hein ? Et quand son long et mystérieux discours fut fini, il traversa le couloir jusqu'au siège en cuir au fond du bâtiment. Il avait sa petite table basse sur le côté et un verre de whisky semblait l'attendre. Alban le fixa longuement, sans comprendre ni suivre ses mouvements. Il y avait sept portes, toutes éclairées par la même lueur jaune apaisante. Il ouvrit la première délicatement.

Alban ne savait pas ce qu'il pouvait y trouver. Il avait accepté l'invitation de Drake et avait suivi à la lettre ses instructions comme un aveugle et son bâton. Les règles ne lui avaient pas été expliquées qu'il découvrait ce premier cadeau empoisonné. La grande pièce avait l'odeur de la lavande, la lavande humide. Une piscine était la seule chose qui déguisait cette pièce, excepté les néons et les photos. Ces mêmes photos, imprimées sur du tissu, soulignaient les formes d'une magnifique femme brune qui aimait nager. C'était ce que les mises en scène racontaient. La piscine était petite, mais profonde. Lorsque ses pas l'encadrèrent, ses yeux ne purent atteindre le fond. Un nuage de savon et de bulles massantes remontaient à la fenêtre dans un tourbillon de lavande qui s'engouffrait dans ses narines. Puis une main émergea de l'eau, des doigts mouillés et doux au touché. Des ongles noirs et une bague-armure sur le majeur s'approchèrent de sa joue. Et quand il sentit ce souffle excitant, il se sentit obligé de fermer les yeux. Il entendait ce corps qui s'extirpait de sa cage liquide, lui qui se dressait contre le sien sans trahir ses jambes. Le baiser gélatineux sur son front créa un frisson dans sa nuque. Il se laissait saisir humblement par ces membres agréables, flottant seul dans une bulle. Puis il fut happé. Son corps s'enfonça dans l'eau. Il se tint le plus fort qu'il put, seules ses jambes restèrent au sec. Ses yeux s'ouvrirent sur une eau floue. Elle était si pure qu'il pouvait discerner plus qu'une silhouette se torde dans sa petite superficie. Cette forme des plus alléchantes caressa son nombril sans se rapprocher. Il sentit les approches osées de cette demoiselle glisser sous son haut. Mais la main des regrets l'attrapa par les cheveux et le tira hors du bassin. Ses fesses touchèrent le sol. Sa surprise attendait sur le côté du bassin, impatiente de voir ces formes ressortir de l'eau. Mais il n'y eut rien, rien d'autre qu'une main courageuse qui fit signe de la rejoindre.

Il trouva la force de se relever et de s'approcher. S'approcher et se pencher. Alors une magnifique sirène passa devant ses yeux. Ses mains vinrent sur son cou comme d'agréables baisers et ses lèvres se déposèrent sur son nez. Elle ne ressemblait en rien à ce qu'on attendait d'une fille de joie. Elle était sophistiquée, sa seule mèche de cheveux rampant sur son visage attendait les doigts qui la remettrait dans ses courts cheveux bleus. Sa gorge était tapissée d'écailles blanches qui descendaient sur sa peau. Cette délicieuse ligne séparait sa poitrine nue, empiétait sur son nombril et rejoignait sa nageoire éclatante. Sa peau entière avait l'odeur de la lavande, et cette odeur violette l'infectait au fur et à mesure qu'elle restait accrochée à lui. Son souffle marin était entrecoupé de gémissements impatients. Ses doigts se crispaient sur sa nuque et sa langue rugueuse trouvait son chemin sur son oreille. Tant de détails qui définissait son humeur. Chaque goûte qu'elle transmettait était chaude comme la braise et le ruisseau qu'elle créait ne s'effaçait pas avec le temps. Il tremblait quand il osa toucher ses hanches. Ses bras plongèrent avec hésitation et sa poigne glissa plusieurs fois sur ses écailles, mais toute cette incompétence ne la faisait que respirer plus fort. Elle appréciait les petites attentions, les caresses et même le baiser qu'il posa sur ses cheveux. Elle frissonnait autant que lui et était plus impatiente que jamais. Elle le tira une nouvelle fois dans son royaume, tout entier cette fois.

« -Non, je dis juste que pêcher est devenu un sport pour nous, les Hommes. »
« -Un...Sport ? »
« -Ouais ! On attrape les poissons, on regarde leur taille et on les rejette à la mer. Celui qui a le plus gros est le gagnant. »
Elle l'écoutait calmement, des étoiles pleins les yeux alors que ses membres bougeaient seuls dans l'eau pour les garder à la surface. Encore habillé, Alban avait les bras dehors pour se tenir alors qu'elle s'amusait dans de voluptueuses figures quand il ne parlait plus. Elle qui était si sensible, si pudique, appréciait beaucoup la présence du jeune homme qui n'avait pas refusé ses caresses mais ses avances. Elle n'était pas déçue, elle qui apprenait du monde extérieur comme un enfant devant la télévision. Elle le laissa sortir du bassin avec un grand sourire, elle qui demandait même de le revoir un jour. Il en aurait été honoré, s'il n'avait pas encore six portes à ouvrir.

La seconde grinça un long moment et n'hésita pas à lui opposer une certaine résistance. Leurs voix résonnaient déjà jusqu'à ses oreilles alors que ses yeux ne s'étaient pas encore posés sur elles. Mais quand la force ne lui était plus nécessaire, ce fut son admiration qui prit la suite. Ses yeux, illuminés par une lumière beige ne pouvaient se détacher de la masse de chair qui se tendait devant lui. Des corps appétissants rampaient les uns sur les autres comme des vers rythmés par la symphonie des râles qui se soulevaient de leurs gorges. Ces cordes vocales quémandaient harmonieusement son nom dans des envolées de plaisir. Plus qu'un simple mélange de poitrine et de cuisses, les visages qui s'y dégageaient appartenaient à des muses qu'il ne pouvait avoir même dans sa tête. Des déesses aux longs cheveux blancs et aux voix cristallines partageaient leur couche avec de terribles gothiques aux regards électriques. De courtes mèches rousses trouvaient leur place, enlacées dans des crinières blondes et agressives comme autant de romancières fragiles protégées par leurs combattantes. Elles se retrouvaient dans leurs respirations saccadées, ce manque d'oxygène qui les excitait tant et qui l'envahissait à son tour. Il pouvait presque sentir leurs poitrines battre à l'unisson et attendre la sienne pour se libérer. Certaines mains des plus gantées s'approchaient de lui pour le tirer dans cette fosse d'envies inavouées. La musique avait beau être la plus belle demande qu'il n'avait jamais imaginé, l'odeur avait beau être la plus agréable de tous les parfums du monde et la vision de ces peaux rougies par leurs mouvements avait beau attiser ses désirs, son esprit ne put se résoudre à les rejoindre. Il voulait répondre à ces cris, ses lèvres s'étaient même entrouvertes pour imaginer ce que s'abandonner à ces bras pouvait être, mais il y avait toujours ce cœur palpitant qui lui tenait la porte.

Il la traversa à nouveau, sans un mot, perdant son temps à la bloquer avec son dos. Il faisait comme si ces visions exquises avaient été des fantômes terrifiants alors que son seul témoin savait bien que non. Son corps avait envie de la troisième salle, son esprit tout autant. Ils suppliaient tous deux sa main de tourner la poignée qu'elle venait d'empoigner. Il savait Ô combien l'idée était bête, mais la curiosité rattrapée par l'exaltation écrasait toute sa raison. Pas une miette n'en restait, comme on le lui avait prédit. Pourtant, des ruines se soulevaient encore lorsqu'il pénétra dans la troisième chambre. Un endroit sombre et isolé, abandonné par la vie. Un courant d'air froid lui faisait oublier toutes ces illusions et le ramenait à la dure réalité de son abstinence. La seule chose qu'il ressentait dans cette prison était le sol moue et confortable, si attirant qu'il eut envie de s'y coucher. Pour une fois, il se laissa charmer et caressa cette texture stimulante. Mais c'était interdit, un claquement violent lui fit comprendre. Une intense douleur brûla sa main quand cette langue tordue s'enroula autour de son bras. Elle le tira en avant, l'écrasant sur ce sol qui l'avalait enfin. Laissé fébrile face à cette caresse, il prit du temps à lever la tête vers les talons aiguilles qui le menaçaient. Ils remontaient avec autorité sur des lacets voluptueux qui s'enroulaient d'un mouvement provocateur autour d'une jambe nue à la peau rouge. Un petit vêtement de la même couleur cachait ce qu'il avait à cacher par une ficelle insignifiante. Toute cette chair magmatique perça finalement son cœur. Une supériorité naturelle l'écrasait, il osait à peine poser son regard sur ce nombril percé. Une démone avec d'épaisses cornes le fixait les sourcils froncés.

Son membre ne fit qu'un mouvement pour tirer contre la fournaise de sa poitrine la victime qui avait ouvert sa porte. Ses griffes ténébreuses déchiquetaient la peau de ses épaules une fois que leur arme sensuelle pendait chaleureusement en-dessous de son poignet. Il poussa un long soupir, dernier choix qu'il put faire pour évacuer une pression que sa maîtresse allait ramener. Les déchirures qu'elle fit à son corps lui volèrent un petit cri de faiblesse. La honte l'envahit, une honte qu'il sentit agréable. Bien plus quand son tortionnaire profita de ses lèvres écartées pour y glisser sa longue langue magenta. Il termina alors son râle affligeant dans la bouche de son agresseur. Ce serpent indiscret caressait le fond de sa gorge avec sa tête épineuse. Tout cela lui partageait une frustration et un malaise étrange, un grincement désagréable qu'il finissait par apprécier. Autant de sentiments qui se décuplaient quand des crocs terrifiants s'emparèrent de sa carotide. Un mince filet de sang s'évaporait sur sa peau alors que sa voix ne connaissait plus que ses lamentations. Toute cette délectable tension devenait trop pour son pauvre organe qui le poussa à la repousser. Mais cette créature des enfers n'était pas un objet qu'il pouvait jeter une fois ses affaires terminées. D'un mouvement leste, elle ligota cruellement ses poignets. Il chuta de nouveau dans les vagues muqueuses du sol. Une confortable sensation qui fut brisée par les fesses de cette démone qui piétinèrent son dos. Ses griffes malmenèrent aisément son jean du quadriceps jusqu'à son derrière. Mais la blessure qu'il ressentit n'était plus chaleureuse. Il n'était plus complice, mais prisonnier, alors d'un mouvement paniqué il sut se libérer et se précipiter à l'extérieur.

Les battements de son cœur n'étaient rythmés que par les mots de Drake que le whisky n'affectait pas : Cette porte, c'était ma préférée ! Essoufflé, surpris et fatigué, il jeta un regard désapprobateur à cet alter ego dissident. Il avait peur de la quatrième, la seule qui était décorée de l'extérieur. Un bois rose rayé de bleu avait envahi sa façade. Sa main se posa sur la poignée, mais cette fois sans l'ouvrir. Sa raison avait gagné un peu de terrain et ses yeux cherchèrent enfin une réponse dans les quelques phrases de son double. Quoi, celle-là ? Elle est chelou... Le plus désarçonnant fut la grande gorgée d'alcool qui ponctua cette altercation. Il accepta pourtant son sort avec une aisance consternante, presque autant que l'effet que tous ces frissons lui faisaient. Ils étaient si persistants et si délicats que tout semblait se multiplier, le plaisir plus encore que le reste. Mais cette fois-ci, la lumière noire calma ses ardeurs bien vite. Il n'y avait pas de courant d'air, au contraire. La pièce était étroite et brûlait d'une chaleur désagréable. Il se surprit à regretter sa dernière visite et le visage attirant du démon retrouva une place dans son esprit. Jusqu'à ce qu'il aperçut le petit lit gris qui s'offrait à lui. Sa curiosité mena la danse, agitant les files de sa marionnette avec précipitation. Il manqua même de tomber, mais il se rattrapa au pied de la couche.

Quelqu'un y dormait, une femme des plus fragiles. Elle toussait de temps en temps, les paupières closes et la respiration séduisante. Il osa passer le dos de sa main sur ce cou chaleureux. Une odeur particulière chatouillait son nez, mais elle était si frivole qu'il ne discernait pas ses particularités. Le corps emmitouflé dans une immense couette bougeait à peine tant il était magnifique. Sa petite taille le mettait en appétit alors que ses longs cheveux ruisselaient en une queue de cheval, elle qui avait investi son esprit d'idées perverses. Elle avait encore ses lunettes sur le nez, ces accessoires énervants qui faisaient pourtant écho à de vieux fantasmes. Elle n'avait rien de particulier, ni queue de poisson ni cornes démoniaques mais le nuage de tâches de rousseur sur son visage piqua son excitation. Il ne contrôlait plus ses mouvements et ne savait pas comment reprendre le contrôle, il se voyait de l'extérieur alors que son corps grimpait comme celui d'un lion sur sa pauvre victime. Sa patte tremblante déballait doucement cet objet de convoitise. Aucune déception n'emplit son cœur quand un corps habillé s'offrit à lui. Habillé, mais si peu couvert comme il put le comprendre en caressant ce tee-shirt bien désagréable. C'était si passionnant qu'il profita d'un mouvement de sommeil agité pour le lui enlever. Il n'était déçu de la vue qu'il se permit, si ravissant et si peu vulgaire qu'une poésie érotique joua en sa faveur pour y déposer un baiser tendancieux. Ses doigts glissèrent jusqu'à sa ceinture sans qu'il puisse les arrêter. Mais le cadeau qu'il enviait maintenant était trop imposant pour lui. Il fut balayé, interdit par le thé fumant que le coin de son œil identifia.

Il pinça la tasse alors qu'un gémissement léthargique fut chuchoté à son oreille comme une invitation. Une fumée consola ses doutes et les fragrances de vanille n'en furent que plus intenses. Des arômes qu'il fit chuter sur ces seins hypnotisant. Cette cascade hurla un doux soupir empli d'un plaisir incroyablement intense. Une voix éteinte soufflée ainsi lui avait jamais fait autant d'effet, un effet magnifique qu'aucun mot ne pouvait découvrir et que même son corps ne pouvait honorer. Une partenaire soporifique se tordait entre ses bras alors qu'elle était enduite d'une boisson chaude qu'elle ne pouvait mieux apprécier. Un goût qu'il voulait partager avec elle. Sa langue slaloma donc sur sa peau, puisant dans son nombril pour remonter à la source d'un tel ruisseau. Son souffle était court, mais les saveurs qu'il tractait sur sa langue lui fit comprendre que ce chaleureux met n'était pas dénué d'alcool. Une goûte insignifiante, un peu sucrée sans être exagérée. La tasse était grande, elle prodiguait assez de liquide pour le laisser profiter de cette vision idyllique d'acte insensé. Le thé ne se limitait pas aux traits excitants de son propriétaire et coula sur ses côtés jusqu'à sa couette. Et dès que la tâche fut trop grande pour être dissimulée, Alban s'extirpa discrètement de l'étreinte de cette belle au bois dormant. Mais quand son corps, enfin libéré, voulu s'enfuir du lit qu'il avait souillé, une main d'une onctuosité légère et magique toucha sa peau lacérée. Elle se laissa tâcher de sang dans la jouissante bonté dont elle fit preuve. Même quand ses doigts fouillèrent dans ses plaies, il ne sentit que le plaisir charnel et indescriptible qu'elle lui faisait ressentir.

« -Tu me reviens blessé ? » Fit la muse endormie dans un élan que la surprise motiva. « J'ai honte de l'avouer, mais c'est bien plus excitant que mon thé... »

Il referma la porte le plus doucement possible d'une seule main, l'autre occupée à tenir la tasse vide à l'envers. Il laissa la poignée se relever toute seule, encore désarmé par la scène qu'il venait de vivre. Comme dans un jeu vidéo, il avait assisté à cette cinématique sans pouvoir contrôler ses mouvements. Pourtant, sa cage thoracique était serrée et les battements de son cœur la repoussaient pour se faire de la place. Ce sentiment incroyablement bon à vivre lui faisait un bien fou que même son imagination n'arrivait à décrire. Ce bonheur était si grand qu'il avait envie d'abandonner cette montagne russe d'émotion. Il lança pour la première fois un regard en arrière, prêt à abandonner tout ce qu'il possédait pour vivre dans cette chambre, avec cette somnolente malade au corps baigné de vanille. Son regard se posa sur les griffures de ses épaules, plus précisément sur celles ouvertes par la princesse endormie. Et sa peau interne qui bougeait avec sa respiration déréglée susurrait à son oreille qu'il avait mieux que ce rêve bucolique. Alors avec regret il s'enfonça dans la cinquième porte.

Une musique fut la première partenaire de cette danse vertigineuse. Les lumières suivirent le rythme, mais avec beaucoup moins d'entrain, comme s'il les avait déjà épuisées. Seule la voix d'un vieil homme résonnait en même temps que les notes de guitare. Un podium se souleva alors sous ses yeux, et le souffle de son apparition le repoussa dans un siège. Le même coup de vent aspira deux grands rideaux rouges qui vibrèrent doucement. Leurs mouvements hypnotiques faisaient monter la pression alors que son esprit était occupé à imaginer ce qui allait sortir de cette bouche de velours. Ce fut une impératrice qui se déhancha au loin dans sa grande doudoune blanche. Ses cheveux de glace et son regard intense se faisaient contraste, ils se libérèrent pourtant tous deux d'un coup lorsqu'elle abandonna sa fourrure. Les traits des savoureuses femmes de l'Est étaient encore dissimulés sous des vêtements aguicheurs, mais il savait déjà à qui il avait à faire. La musique retrouva son énergie quand un haut encombrant s'écrasa dans le noir. Elle s'était de nouveau rapprochée, envoyant son parfum de loukoum à son visage fasciné par le balancier de ses hanches. Elle tourna quelques secondes autour de cette barre blanche pour réveiller en lui ses envies bestiales. En deux pathétiques chaussettes elle sut lui faire oublier la poésie de la salle précédente. La peau de ses pieds était encore ensevelie dans un collant noir et blanc quand elle déposa sa plante contre son torse. Ses mains décrivirent ses propres courbes féminines pour enrouler méthodiquement cette fine lamelle de vêtement. Elle laissa son regard caresser sa peau étrangère sans jamais laisser ce droit à ses mains. Pour cette patience redoutable, elle lui offrit tout de même ses bas qui se couchèrent autour de sa nuque comme de sages renards.

Elle exposa son dos et les mouvements scandés de ses fesses alors que le haut de son corps donnait de l'affection à cette impressionnante barre. Elle se savait attirante et les caresses qu'elle se donnait n'étaient pas avares pour le faire comprendre. Le quadrillage de son veston tomba à son tour alors qu'il sortait de la brume sensuelle de ses bas. Elle l'empêcha de regretter cette scène ratée en faisant frémir l'attache de son soutien-gorge. Elle recula alors avec cette démarche de danseuse qui ne faisait qu'alourdir encore plus l'atmosphère. Elle se coucha sur lui, son dos cambré pour que seules leurs jambes et leurs épaules se connectent. Ce fut quand il commença à suivre sa danse qu'elle libéra sa poitrine. Elle leva le bras à côté de sa tête et glissa la ficelle de ce sous-vêtement entre les dents de son spectateur. Elle s'assit sur ses genoux, faisant vibrer son entre-jambe par les gestes cadencés de son postérieur. Elle s'empara de ses mains pour le forcer à caresser les zones qu'elle désirait réveiller. Et quand il alla trop loin dans ces mouvements sexuels, elle renversa la chaise. Alors sa chute ouvrit la porte qui se referma aussitôt, et ce fut couché sur le sol que les mots de Drake le ramenèrent à la raison : Elle est si envoûtante celle-là que c'est elle qui renvoie ceux qui s'approchent trop.

Il jeta un regard vers cette présence pleine de moquerie confortablement assise au fond du couloir. Une cigarette s'était rajoutée au cocktail empoisonné où il trempait ses lèvres. Son regard jugeait d'abord, puis dirigea celui d'Alban sur la sixième porte. C'était la plus imposante, celle qui l'écrasait rien qu'à l'entrée. Mais il la poussa en s'attendant à toutes les surprises de l'enfer. Rien d'aussi terrifiant se souleva contre lui. Une ombre simple entourait le paysage et la télévision qui y ressortait. Le peu de lumière qui se détachait des personnages d'un film d'amour venait arrondir les formes d'une spectatrice couchée sur son tapis. L'horizon dépendait de ses courbes adoucies par le calme. Le son était à peine audible et les voix avaient disparu. Il n'osait pas bouger, même si son attention était accrochée à la femme plutôt qu'à son programme. Sa silhouette s'étira humblement et une bouteille de lait se détacha de son ombre. Inconsciemment, elle lui proposait une gorgée. Cette proposition le fit bouger, marchant d'un pas soulagé vers ce produit. Il lui vola quelques gouttes et trouva même la force de s'asseoir à ses côtés. Elle l'envahissait néanmoins bien vite, approchant sa tête de ses genoux avec une délicatesse engagée. Sa chevelure rouge ruisselait entre les imperfections de sa jambe. Son visage réconfortant se déshabillait sous ses regards et les images de la télévision se reflétaient grossièrement dans ses superbes yeux verts. Ses lèvres noires en forme de cœur avaient de sublimes angles et propageaient aux siennes l'envie irrésistible de les mordre. Le reste de son corps était tout aussi beau, mais bien moins important que cette tête des plus majestueuses. Il s'abandonna à l'envie de passer sa main contre sa joue, il y sentit même une larme de luxure grandiose. Il sentait les battements de son cœur comme s'il lui appartenait, il ne savait cependant pas si c'était le film ou sa présence qui le faisait se tendre aussi gravement. La patience répondit à cette question quand ils eurent fini de regarder le film. La sirène sur ses jambes était encore bouleversée alors que le seul écran noir grésillait dans la pièce.

Son visage si gracieux était devenu flou, décrit par des teintes de gris aux bâtonnets de sa rétine. Mais les petits gémissements tristes de la muse trouvaient eux le chemin pour ses oreilles. Il ne la voyait à peine, cela ne l'empêchait pas de ressentir les tremblements parasites qui faisaient vibrer son corps contre lui. Elle ressemblait à un morceau de verre tanguant au-dessus du vide, si fragile qu'il n'osait pas approcher ses bras de peur de la casser. Ce fut elle qui les demanda, ses propres doigts s'emparant de son poignet pour étirer son membre autour de sa taille. Elle était glacée, sa peau froide ralentissait le flux sanguin d'Alban. Il se pencha délicatement pour déposer ses lèvres sur son oreille, et les mots s'échappèrent sans prévenir :

« -Tu as passé une bonne journée ? » Se sentit-il obligé de demander.
« -Moui. » Chuchota-t-elle difficilement en resserrant l'étreinte qui la protégeait. « Non. »
« -Qu'est-ce qui ne va pas ? » Gémit-il finalement.

Il essayait d'éloigner son regard de son jolie minois, mais c'était peine perdue tant elle était attirante. Il regrettait même l'alliance qu'elle n'avait pas autour du doigt. Il le caressait mécaniquement et attendait une réaction quelconque. Celle-ci fut surprenante, faisant virevolter sa chevelure magmatique comme sous la brise d'une douce bourrasque. Elle finit par plonger ses émeraudes dans ses yeux communs et sa voix chanta une phrase comme celle-ci :

« -Nous n'avons pas de mérite n'est-ce pas ? Tu ne t'occupes pas de moi, tu ne fais jamais attention à moi. Et en contrepartie, je ne te fais jamais sentir bien avec tes pulsions. »

Son discours portait un ton tragique, mais ses mouvements étaient les plus inconcevables aux côtés de ces phrases. Des gestes amples qui cajolaient sa gorge puis son torse. Sa position savait être tendancieuse et ses menaces n'avaient finalement pas de consistance. Il se souvenait pourtant de toutes les fois où il l'avait négligée avec regret, des excuses poussèrent même contre ses lèvres. Excuses que sa fierté retenaient. Le doigt de sa muse vint les libérer, séparant les membres de sa bouche avec une délicieuse pression. Cette poussée délectable repoussait sa tête qu'il avait plaisir à soumettre. Ses mots étaient sérieux, ils marchaient sur la frontière malsaine de la tristesse. Mais son comportement traduisait un tout autre état d'esprit. Ce qu'elle avouait avait tout d'une vérité, une vérité qu'elle avait décidé de changer en répétant les baisers dans son cou. Elle y laissa une marque rouge et douloureuse au-dessus de son épaule. Elle serpenta sur ses plaies alors que ses lèvres se baignaient dans le sang sec. Ses embrassades s'étendirent sur ses vêtements, sa peau protégée sentant à peine les étreintes de sa reine. Mais même habillé, il put sentir les dents qui crissèrent sur l'acier de son jean. Une impulsion le fit sursauter et un amour trop tendre força ses mains à s'emparer de ses joues. Elle n'avait pourtant plus envie de poésie. Elle se débattit jusqu'à se libérer et fit retentir dans le silence gênant le bruit aiguë de sa braguette.

Il se précipita dehors, fermant la porte le plus vite possible pour se protéger des sentiments et des jugements de la muse derrière cette porte. Il respirait difficilement alors que les bras de son caleçon arrivaient enfin à sortir de son pantalon. Le rire de Drake ne sut le réconforter dans son comportement, il attisa donc une incompréhension protectrice. Décidément, elle te propose une fellation gratuite et tu craches dessus. Tu serais pas un peu homo ? Il ne voulait pas l'écouter, il avait une dernière porte à ouvrir et il ne voulait pas attendre plus longtemps pour la traverser. Mais quand la poignée fut poussée et que l'entrée se découvrait, il hésita à pénétrer dans une nouvelle salle noire. Si la dernière scène avait été aussi proche de la résolution, celle-ci ne pouvait promettre rien d'autre qu'une terrible sexualité dépravée. Abandonner était la solution la plus raisonnable, mais elle avait si peu de chance d'être décidée. Il appréhendait son prochain pas, mais il ne le combattait pas. Il était accompagné d'une passivité active qui l'aurait fait faire le pas si on l'avait forcé. Une excuse qui chuchotait calmement un ce n'est pas de ma faute tout en appréciant chaque baisers et chaque langues qui skiaient sur sa peau. Ainsi, il pénétra dans cette antre sans espérer autre chose qu'un bon temps soft comme toutes les autres.

Il n'y avait rien quand le claquement retentit. Juste un univers sombre où aucune silhouette ne se soulevait. Rien ne se détachait de l'univers ténébreux dans lequel il s'était enfermé. Il tenta pourtant de faire un pas en avant. Le sol lui-même ne semblait pas exister, comme s'il volait au-dessus du néant. Un projecteur finit par s'allumer dans une explosion de couleur, toutes convergeant avec vigueur sur une table. Elle était levée et la nourriture accompagnée de boisson n'attendait plus que lui. Une grande reine des plus respectables aussi patientait sur sa chaise. Elle avait un petit sourire accueillant sur son visage blanc qui ne lui déplaisait pas. Au contraire, sa courte coupe de cheveux sophistiqué et son corset lui promettaient un voyage agréable sans grand bon de cœur. Il était content de pouvoir goûter un dîner délicieux avec une femme qui l'était tout autant. Elle illuminait la salle de son sourire, de son rire et de sa bonne humeur. Elle allégeait sa journée de sa grandeur d'âme et de son esprit affiné. Elle était calme et réceptive en plus d'avoir des gestes ravissants. Après tout, ce qu'elle mangeait avait de quoi rendre la plus perfide des créatures aimable à souhait. Plus que le gratin de pomme de terres fumant, il y avait des carottes et des concombres à ne plus savoir quoi en faire. Une soupe au potiron voisinait une salade de mâche noyée dans la vinaigrette. Des brochettes de poulets baignaient dans une sauce chinoise et le riz propageait l'odeur d'une paella parfaite. Elle souriait toujours alors qu'il comprenait qu'il était impossible de tout avaler à deux.

Elle lui tendit une fourchette garnie qu'il eut plaisir à avaler. Elle demanda à becqueter une brochette qu'il lui offrit. Ils échangèrent un sourire pour retourner à leur nourriture, mais dans leurs gestes hésitants ils se touchèrent la main. Un éclair foudroyant se propagea entre eux, pétrifiés par cet événement si bouleversant. Leurs regards s'enlacèrent doucement alors qu'une main prenait la tangente sur l'autre. Ils respirèrent difficilement quelques secondes silencieusement, mais ils furent bien vite poussés l'un contre l'autre par cette pulsion indestructible. Le chandelier s'écrasa dans une catastrophique chute dans l'ombre. La nappe se souleva dans la continuité de leurs corps et emporta dans son élan tout les mets qu'elle supportait. La reine se laissa coucher sur la table alors qu'elle suppliait la pression d'Alban sur ses membres excités. Et bien que certains de ses gestes étaient maladroits, il sut lui faire passer un bon moment. Même si son resplendissant corset blanc prenait la teinte de la soupe orange qui vomissait sur elle, elle était accrochée à lui comme à un aimant et n'arrivait pas à raisonner cet amant. Tout ce qu'elle arrivait à faire, c'était prendre les rênes. Une fois écrasé par le corps de cette souveraine, il préféra ressentir les baisers qu'elle faisait pleuvoir sur sa peau nue plutôt que le gratin qui se collait à son dos. Leurs mains et leurs doigts s'amourachèrent violemment et firent tomber dans leurs danses endiablées les verres de rosés qui visèrent leurs corps. Une jambe s'enroula autour de l'autre pour asseoir sa supériorité, mais une main repoussa une poitrine trop entreprenante pour les retrouver de profil. Ils continuaient à mélanger leurs langues et le riz suivit leurs déplacements sans hésiter à tâcher le blanc et le noir. Et leurs ébats continuèrent bien plus longtemps que chez les autres. Ils ne se coupèrent même pas quand, dans leur fougue passionnée, leurs deux mains enlacées touchèrent un de ces légumes oranges aux idées censurées.

Il sortit de la pièce plus fatigué que jamais. La seule chose capable de comprendre son épuisement était la saleté qui était maintenant tatoué partout sur ses vêtements. Son état attira les nouvelles moqueries de Drake qui s'était enfin levé de sa chaise pour dire : Non, t'as tout lâché dans la septième ?! Je savais pas que la bouffe s'était ton truc. Il n'en était pas fier, au contraire. Il se sentait honteux et la violence naissante qui se rebellait contre Drake était enfin présente. Il repoussa sa poignée de main et manqua de le frapper. T'es con putain ! Elle m'a même pas lâché et regarde ce que je suis rabaissé à faire pour attirer son attention ! Va te faire, je retourne la voir maintenant ! Il jeta violemment ses habits sales sur le sol et partit déterminé. La porte de son appartement claqua à son ouverture. Ses sentiments se retrouvaient dans une soupe incompréhensible, entre le regret et la tristesse. L'envie aussi avait sa place, mais Drake s'était précipité sur le chemin de son alter ego pour le raisonner. Il assistait impuissant à sa démarche agressive, ses conseils tombant dans ses oreilles sourdes alors qu'il rassemblait ses affaires pour aller sous la douche. Enfermé en-dehors, il ne pouvait que rappeler les nombreux coups de couteau qu'elle s'était amusée à donner contre sa poitrine. Il lui rappelait les moments les plus gênants, les humiliations répétées et son indifférence constante pour lui. Il appuyait sur certains points de sa personnalité qu'aucun des deux hommes n'appréciaient. Son coup de poing résonna dans tout l'appartement avec le même rythme que cette colère qui résumait son existence. Il se battait pour lui comme si cette femme était sa propre partenaire, comme si son propre bonheur comptait dans la balance. Il ne voulait plus de ça pour Alban, il ne pouvait plus assister à sa torture sans pouvoir le défendre. Alors il lui demanda d'un ton décidé : Est-ce qu'on est pas mieux comme ça ?! Sans elle ! 

Alors le verrou s'ouvrit. La porte grinça quelques secondes et le corps nu encore assommé par la douche de son double se tendit de dos devant ses yeux enragés. Il ne savait pas quoi répondre à sa véhémence alors qu'il tenait son poing fermé pour retenir ce qui suivait après la rage. Le plus cruel dans leur histoire était qu'aucun d'eux n'avaient tord. Alban trouva cependant la force de parler après quelques minutes sous l'eau chaude. Le courage lui-même fut nécessaire pour qu'il lui avoue ces mots : Je suis mieux à tes côtés Drake. Je me sens bien parce que je peux me complaire dans ton point de vue. Je peux me dire qu'elle est la pire créature du monde, qu'elle mérite les pires saloperies et que je peux baiser qui je veux juste pour rouler son cœur dans le sable. Ce n'est pas la même chose que faire face à mes problèmes. Je ne vois pas la vérité quand je suis avec toi. Oui elle m'a négligé, oui elle me traite comme de la merde, mais je veux l'accepter comme elle est. Si c'est ce que je dois subir pour être à ses côtés, je veux le faire sans que tu me rappelles sans cesse que je vaux mieux. Il n'arrivait plus à avaler, il n'arrivait plus à respirer correctement et les dégâts que leur discussion causait à l'un comme à l'autre se reflétait dans l'eau qui ruisselait sur son corps. Mais la souffrance était un obstacle que Drake n'avait pas peur de dépasser pour le convaincre de la stupidité de ses actes. Il n'avait jamais eu peur de passer pour le fautif, pour le salaud, pour celui qu'on pointe du doigt et ce fut cette habitude qui lui permit de continuer la discussion ainsi : Les règles ne changent jamais Alban ! Le jeu t'en donne l'impression, mais c'est pour te berner. Elle est sans-doute dans les bras d'un de tes plus proches amis alors que toi tu rampes à ses pieds. Mais toi tu t'en fous, toi t'y retournes avec des roses stupides et une bague qui ne vaut rien. Tu te suicides pour elle, encore une fois !

Il sortit de sa léthargie aquatique pour sécher sa peau humide. Le silence régnait, à peine envahi par les respirations saccadées de rage et de désespoir des deux hommes qui se faisaient face à travers le miroir. Il rasait le plus petit grain pathétique de sa barbe et de son torse, il le couvrait de parfum et d'artifice agréable au touché et au regard. Il échangea son attirail de rebelle contre une chemise blanche et une veste en soie. Il noua sa cravate le plus correctement possible et cacha la petite boite verte dans la poche interne de ses nouveaux vêtements. Il ferma une dernière fois les yeux. Il se mit à rire. Un rire mécanique qu'ils avaient tout deux déjà entendu, tout deux déjà projeté. Sans un mot de plus, il s'empara du ticket de métro qu'il avait acheté des semaines plus tôt et sortit de la pièce. Plus que de la pièce, il abandonna le bâtiment et se laissa voguer dans les rues noires de la ville. Il n'avait plus peur, il n'avait pas envie de s'arrêter, et même si Drake était toujours derrière lui dans chacun de ses déplacements, il allait se présenter à la porte de cette femme sans compter sur sa présence. Ils sortirent de la bouche de métro doucement, ils prenaient le plus de temps pour profiter de la présence de l'autre. L'un avançait les bras le long du corps alors que le second avait enfoui ses mains dans les poches de sa veste. Rien n'était plus proche de la sortie que l'entrée de sa maîtresse. Il ne suffit que de quelques minutes avant qu'ils ne doivent prendre une décision. Alban fixait Drake dans les yeux sans rien dire. Son regard traduisait toute sa pensée sans filtre, aussi clairement que l'eau d'une montagne. Il appuya pourtant sur l'interphone. La première fois, il n'y eut aucune réponse, mais ce fut à la seconde que les bruits de verrou se firent entendre. Elle était au deuxième étage, ils avaient encore un peu de temps avant qu'elle n'arrive. Je n'aime pas quand tu es à ses côtés. Je disparais tout le temps et je ne te protège plus. Alban hocha la tête pour répondre aux éclats tristes de son compagnon. Il lui devait ces quelques explications : Il y a longtemps, elle était la femme de mes rêves. J'étais persuadé que jamais elle ne serait la femme de ma vie. Maintenant qu'elle remplit ses deux critères, je suis prêt à tout les sacrifices pour rester à ses côtés. Je t'ai négligé Drake, c'est vrai. Je n'ai jamais pu te cacher que je préfère sa présence à la tienne. S'il te plaît, laisse moi souffrir dans le bonheur. Il baissa la tête. Il porta une cigarette à ses lèvres sans pour autant l'allumer. Ils n'étaient plus tous les deux à présent. L'épaisse porte en bois s'était tirée et une femme, plus belle et plus majestueuse encore que toutes celles qu'ils avaient pu rencontrer dans les chambres était apparue dans l'encadrement de l'entrée.

« -Alban ? Qu'est-ce que tu veux à cette heure-ci, tu n'étais pas rentré chez toi ? » Dit-elle, illuminée par la présence de ce petit-ami qu'elle avait du mal à éloigner de sa vie. « Drake, tu es là au- »
« -Va te faire foutre. » Lâcha-t-il en partant. « Va bien te faire foutre. »
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